Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/351

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Au lieu de plume ou de pinceau, ils se servaient d’un style ou d’un poinçon de fer. Ils écrivaient aussi sur le métal, et les curieux de cette nation conservent encore aujourd’hui des plaques, où l’on voit des caractères tracés fort proprement, mais il y a très longtemps qu’ils ont inventé l’usage du papier. Il est si fin, que plusieurs ont cru en France, qu’il se faisait de soie ; mais ils ne faisaient pas attention qu’on ne peut, en foulant la soie, la briser, autant qu’il est nécessaire, pour en composer une pâte uniforme.

Le papier de la Chine se fait de l’écorce de bambou, et d’autres arbres. Le bambou est un arbre assez semblable à un long roseau, en ce qu’il est creux en dedans, et a des nœuds d’espace en espace ; mais bien différent, en ce qu’il est beaucoup plus gros, plus uni, plus dur, et plus fort. On ne met en usage que la seconde peau de l’écorce, qui est molle et blanche : on la broie avec de l’eau claire. Les formes dont on se sert pour élever cette matière, sont longues et larges ; en sorte qu’on voit des feuilles longues de dix, de douze pieds, et davantage. On trempe chaque feuille de papier dans l’eau d’alun, qui tient lieu de colle ; et c’est ce qu’on appelle papier fané, parce que fan en chinois, signifie alun. Cet alun empêche le papier de boire, et lui donne un tel éclat, qu’on croirait qu’il est argenté, ou vernissé. Ce papier est blanc, doux, et uni, sans qu’il y ait rien de raboteux, qui puisse arrêter le pinceau, et en séparer les filets. Comme il est d’écorce d’arbre, il se coupe plus aisément que celui d’Europe : il est susceptible d’humidité ; la poussière s’y attache, et insensiblement les vers s’y mettent, si l’on manque d’attention à les en préserver. Pour prévenir ces inconvénients, c’est une nécessité de battre souvent les livres et de les exposer au soleil.

Outre le papier qui se fait d’écorce d’arbre, on en fait aussi de coton ; et c’est le plus blanc, le plus beau, et le plus d’usage. Il n’est pas sujet aux inconvénients dont je viens de parler ; car il se conserve aussi bien, et dure autant que le papier d’Europe.

Le peu que je viens de dire en général du papier de la Chine, se confirmera encore mieux par le détail où je vais entrer, et où je ne dirai rien, qui ne soit tiré d’un ouvrage chinois, qui a paru sous la présente dynastie. C’est un recueil curieux, et qui est estimé des savants. On y parle de l’invention du tchi, c’est-à-dire, du papier, de sa matière, de ses qualités, de sa forme, et des différentes fortes qui s’en fabriquent.

L’auteur chinois dit d’abord que cette invention est fort ancienne ; mais il avoue qu’on ne sait pas précisément, en quel siècle on en doit placer l’origine. Dans les premiers temps, les caractères kien et tse qu’on employait au lieu de tchi, pour signifier la matière sur laquelle on écrivait, confirment par leur figure, ce que cet auteur rapporte, savoir, qu’alors après avoir comme bruni et rendu plus souples de petites planches de bambou, en les faisant passer par le feu, sans cependant en enlever la peau ; l’on traçait dessus des lettres avec un fin burin : de ces petites planches enfilées l’une après l’autre, se formait un volume. Il était de durée, et capable par sa