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Ce que je viens de dire, fait assez voir que l’invention du papier est fort ancienne à la Chine. Choue ouen, auteur chinois, qui écrivait sous le règne des Han, prétend que dès les premiers temps, on a eu le secret de rassembler la bourre de soie ou de coton, c’est-à-dire, les parties qu’on ne pouvait ni filer, ni dévider, et d’en faire un corps sur lequel on traçait aisément des caractères. Ce secret se sera perdu en partie pendant les révolutions de l’État, et apparemment n’aura-t-il été recouvré, que sous la dynastie de Tsin.

Il est certain que le papier chinois a un avantage sur celui d’Europe, en ce qu’on en fait des feuilles d’une longueur extraordinaire, et que d’ailleurs étant également blanc, il est beaucoup plus doux, et plus uni : le pinceau dont les Chinois se servent pour écrire, ne s’accommoderait point d’un fond tant soit peu raboteux, et aurait de la peine à bien finir certains traits délicats.

Quand on a dit que le papier de la Chine n’est pas de durée, et qu’il se coupe aisément, on a voulu sans doute parler du papier fait de bambou : cela est vrai dans un sens ; car il est sujet à se couper, lorsqu’on lui a donné une teinture d’alun, comme on a accoutumé de faire, pour le rendre propre à notre usage, parce que sans cette teinture il boirait notre encre. Mais hors de là, quelque mince qu’il soit, on le manie, et on le plie de toutes les façons, sans craindre de le déchirer.

La consommation de papier est si grande à la Chine, qu’il n’est pas étonnant qu’on en fabrique de toutes sortes de matières. Outre la quantité surprenante dont il faut pourvoir les lettrés et les étudiants, qui sont presque sans nombre, et fournir les boutiques des marchands, il n’est pas concevable combien il s’en consomme dans les maisons des particuliers. Un côté des chambres n’est que fenêtres avec des châssis de papier ; sur le reste des murailles, qui sont enduites de chaux, on colle du papier blanc, et par là on les conserve blanches et unies ; le plafond consiste en un châssis garni de papier, sur lequel on trace divers ornements. Si l’on a dit avec raison, qu’on voit briller les appartements chinois de ce beau vernis, que nous admirons en Europe, il est également vrai que dans la plupart des maisons on n’aperçoit que du papier. Les ouvriers chinois ont le talent de le coller très proprement, et l’on a soin de le renouveler tous les ans.

Ce n’est que la pellicule intérieure de différents arbres, qu’on emploie pour faire le papier : le bambou a cela de particulier, de même que l’arbrisseau qui porte le coton, qu’on se sert, non de son écorce, mais de sa substance ligneuse, moyennant les préparations suivantes.

Dans une forêt des plus gros bambous, on fait choix des jets d’un an qui ont acquis la grosseur du gras de la jambe d’un homme puissant. On les dépouille de leur première pellicule verte, puis on les fend, et on les divise en plusieurs bandes étroites de six à sept pieds de longueur. Il est à remarquer que le tronc du bambou étant composé de fibres longues et droites, il est très aisé de le fendre de haut en bas, au lieu qu’en travers il résiste