Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/381

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le maître, ou à son défaut ses enfants, ont droit d’aller rendre visite, et de demander une marque de reconnaissance, qui ne se refuse point. Un viceroi même, en présence des grands mandarins de sa province, cédera sans façon la première place à son sien feng, dont il a reçu les premières leçons dans sa jeunesse, et qui est resté pauvre au village, pendant que le disciple est parvenu aux plus hautes dignités. Voilà le fondement des grands honneurs, que les empereurs mêmes rendent à Confucius : c’est le premier sien feng de l’empire.

Les auteurs chinois dans leurs livres relèvent fort l’emploi de maître qui enseigne la jeunesse. C’est là, dit un savant, l’occupation la plus parfaite et la plus importante. Le bonheur ou le malheur d’une famille dépend de l’éducation des enfants : les fautes des disciples deviennent communes au maître.

Voici ce qu’on trouve dans un livre assez récent, approuvé par deux des premiers docteurs de la cour : s’appliquer à instruire la jeunesse, c’est un très haut point de vertu, Te kii ta ; le Créateur de l’univers manquerait-il à la récompenser un jour, Tsao oue ngan te pou me yeou ? Ce même auteur fait diverses observations sur ce sujet : je vais les rapporter.


Première observation de l’auteur.


On a tort d’avoir quelquefois peu d’égard pour ceux qui enseignent les premiers éléments : la peine qu’ils prennent est très rude, et sans comparaison plus rebutante, que les soins qu’on prend pour diriger des étudiants déjà avancés.


REMARQUE.


En effet, on voit un grand nombre de ces maîtres d’école, qui deviennent pulmoniques et éthiques, a force d’enseigner et d’étudier eux-mêmes, quoiqu’ils soient beaucoup mieux entretenus qu’ils ne le seraient dans leurs maisons, et que les parents de leurs écoliers pourvoient à tous leurs besoins.

Au reste les crieries continuelles, soit du maître, soit des disciples, sont très incommodes. Les Chinois n’apprennent les livres qu’en les récitant à haute voix : ils sont surpris de nous voir étudier sans remuer les lèvres, et sans faire le moindre mouvement du corps. Ils ont coutume d’accompagner le son de la voix d’un léger balancement, du moins de la tête.


Seconde observation de l’auteur.


Peu de gens s’unissent pour avoir au voisinage un maître, qui enseigne leurs enfants ; et parce qu’ils ne sont pas en état de faire de la dépense, tout lettré leur est bon pour cet emploi : ainsi la foule de ces maîtres est de gens ignorants.