Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/422

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peuple, et ne pas abandonner le peuple pour ne suivre que ses propres vues ; en un mot examiner avec soin ses moindres désirs, et peser mûrement ses actions les plus légères. C’est le moyen de s’attirer l’amour et les hommages de tous les peuples de l’univers.

Ah ! Prince, dit Yu, en adressant la parole à l’empereur ; ah ! Prince, que tout cela mérite qu’on y pense ! Le parfait gouvernement sort comme un arbre de sa racine ; et la première règle du parfait gouvernement consiste à fournir abondamment au peuple de quoi subsister : l’eau, le feu, les métaux, le bois, la terre, et les grains. Voilà, pour ainsi dire, les six grands magasins, d’où sort l’abondance. Régler les désirs du cœur humain, faciliter le commerce, faire grand cas de tout ce qui sert à la vie : voilà trois points nécessaires pour unir ensemble les peuples, et pour les mettre à leur aise. Il résulte de tout ceci neuf articles très importants, et qui ont entr’eux un ordre admirable : faites-les mettre en vers, et que le peuple ne chante autre chose. Rendez vos sujets meilleurs, en récompensant la vertu : empêchez-les de tomber, en punissant sévèrement le crime : excitez-les par de beaux cantiques sur ces neuf articles principaux, et rien ne sera capable d’ébranler les fondements de votre empire.

Approchez, Yu, dit l’empereur : Vous êtes un homme tel que je le désire, et j’ai dessein de vous faire régner en ma place.

Hélas ! répondit Yu, le peu de vertu que j’ai, succomberait sous un tel fardeau ; et le peuple qui me connaît bien, n’approuverait pas un semblable choix. Mais vous avez Cao yao ; c’est un vrai sage, qui a tout ce qu’il faut. Il a inspiré l’amour de la sagesse à tout le peuple et ce peuple qui en ressent les effets, le porte au milieu de son cœur. Faites-y un peu d’attention, pensez à ce qu’il mérite, et au peu que je vaux : élevez-le, puisqu’il en est digne, et laissez-moi-là comme un homme inutile. Dans une affaire de cette conséquence, c’est la vertu seule qu’il faut considérer.

Je sais, dit l’empereur, que Cao yao est très propre pour maintenir mes lois et je veux dès à présent qu’il soit le dépositaire de ma justice. Apprenez donc bien les cinq genres de supplices, afin de soutenir les principaux articles de ma loi. Commencez toujours par instruire pour n’être point obligé de punir, proposez-vous pour but d’attacher fortement mon peuple à ce vrai milieu, où réside la vertu, et remplissez en cela toute mon attente.

Il faudrait donc, dit Cao yao, que je fusse aussi parfait que vous l’êtes : ne donner jamais dans le moindre excès, être civil à l’égard des Grands, et bon envers le peuple ; ne faire passer aux enfants que les grâces, et nullement les peines ; excuser les fautes que l’on commet par surprise, et quelque grandes qu’elles paraissent, ne les juger pas telles ; punir sévèrement les fautes de malice, et quelque légères qu’elles paraissent, ne les regarder pas comme petites ; ne châtier que légèrement un crime qui n’est pas bien avéré ; récompenser toujours plus que moins un service douteux et se mettre plutôt en danger de ne pas rendre la justice dans toute sa rigueur, que de faire mourir l’innocent. Voilà, grand empereur, une partie des vertus que