Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/451

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il ne fit pas paraître le moindre trouble, ni la moindre émotion. Ses disciples en furent effrayés et dispersés.

Comme quelques-uns de ceux qui lui étaient le plus affectionnés, le pressaient de hâter le pas, pour se dérober à la fureur du mandarin : Si le Tien, répondit-il, nous protège, comme il vient d’en donner une preuve sensible, que peut contre nous la fureur de Huan tai, tout président qu’il est du tribunal des troupes ?

Confucius paraît ici soutenir plus dignement le caractère de sage, que ne fit ce stoïcien, lorsque son maître lui porta le coup dont il fut estropié. Son insensibilité naturelle, fondée sur ce que la douleur du corps ne parvient pas jusqu’à l’âme qui y réside, n’a rien qui approche du sentiment de Confucius, qui compte sur la protection que donne le Ciel à ceux qui le servent. Ce n’est pas mettre son bonheur dans sa propre vertu, ce qui est un orgueil insupportable ; mais c’est s’être fait une longue habitude de rapporter tout au Tien ; en sorte qu’on y pense aussitôt dans un premier moment de surprise et de frayeur.

Une modestie charmante relevait encore plus les vertus du philosophe chinois. On ne l'entendit jamais se louer lui-même, et il avait peine à souffrir les éloges qu’on lui donnait. Il n’y répondait qu’en se reprochant à lui-même le peu de soin qu’il avait de veiller sur ses actions, et sa négligence à pratiquer la vertu. Quand on admirait sa doctrine et les grands principes de morale qu’il débitait, loin de s’en faire honneur, il avouait ingénument que cette doctrine ne venait point de lui, qu’elle était beaucoup plus ancienne, et qu’il l’avait tirée de ces sages législateurs Yao et Chun, qui l’avaient précédé de plus de quinze cents ans.

Selon une tradition universellement reçue parmi les Chinois, on lui entendait répéter souvent ces paroles : Si fang yeou ching gin, qui veulent dire, c’est dans l’occident qu’on trouve le véritable saint. On ignore de qui il voulait parler. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que 65 ans après la naissance de Jésus-Christ, Ming ti quinzième empereur de la famille des Han, également frappé des paroles de ce philosophe, et de l’image d’un homme qui se présenta à lui durant le sommeil, venant d’occident, envoya de ce côté-là deux Grands de l’empire nommés Tsai tsing et Tsin king, avec ordre de ne point revenir qu’ils n’eussent trouvé le saint que le Ciel lui avait fait connaître et qu’ils n’eussent appris la loi qu’il enseignait.

Mais les envoyés effrayés des périls et des fatigues du voyage, s’arrêtèrent dans un canton des Indes, sur lequel on n’a rien de certain, où ils trouvèrent l’idole d’un homme appelle Foë, qui avait infecté les Indes de sa monstrueuse doctrine environ cinq cents ans avant la naissance de Confucius. Ils s’instruisirent des superstitions de ce pays, et quand ils furent de retour à la Chine, ils y répandirent l’idole.

Confucius ayant fini ses travaux philosophiques, et en particulier l’ouvrage historique du Tchun tsiou, mourut dans le royaume de Lou sa patrie à l’âge de 73 ans, à la quarante-unième année de l’empire de King vang, vingt-cinquième empereur de la race de Tcheou.