Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/481

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On voit des princes, dit encore Mencius, qui affectent de paraître doux et affables, sobres et modérés : mais ce sont là des vertus feintes et apparentes, lorsqu’elles ne résident pas dans le cœur, et qu’ils les démentent par leurs actions. Sont-ils véritablement affables, lorsqu’ils n’ont que du mépris pour leurs sujets ? Sont-ils sobres et tempérants, lorsque rien ne peut contenter leur avarice, et qu’ils oppriment les peuples par de continuelles exactions ? C’est dans l’affection du cœur que consiste la vraie clémence, et non pas dans les grimaces extérieures, dans un ton de voix affecté, dans un sourire obligeant, ni dans les dehors d’une douceur empruntée.

Les yeux de l’homme font souvent connaître ce qui se passe dans son cœur : la candeur de l’âme, sa droiture, sa bonté, se manifestent par une douce lumière qui y éclate : le vice au contraire, la feinte, la dissimulation se découvrent par certains nuages qui les obscurcissent. Enfin les bonnes ou mauvaises affections du cœur viennent à la connaissance du public, par une suite d’actions ou vertueuses ou vicieuses, qui y sont conformes.

Un des disciples de Mencius lui demanda comment il se peut faire que tant de personnes sages, qui aiment tendrement leurs enfants, ne prennent pas le soin de les instruire eux-mêmes, et qu’au contraire ils confient à d’autres leur éducation. C’est un effet de leur sagesse, répondit Mencius. N’est-il pas vrai que si un fils ne profite pas des instructions de son père, s’il n’écoute ses préceptes qu’avec un air chagrin, le père ne manquera pas de se fâcher contre ce fils indocile : qu’arrivera-t-il alors ? Le naturel de cet enfant s’aigrira : il en viendra même jusqu’à faire ces reproches à son père : Vous me dressez un plan de vie, lui dira-t-il, bien contraire à ce que vous faites : vos actions ne me paraissent guère conformes à vos maximes. Alors les esprits s’aliéneront de part et d’autre : l’amour du père se refroidira ; le fils perdra insensiblement la soumission et la tendresse qu’il doit à son père ; la division se mettra dans la famille ; quoi de plus contraire au bon ordre !

Il conclut ce chapitre par trois défauts qui se glissent souvent dans le respect si filial : le premier, quand un fils aperçoit quelques défauts dans son père, et que sans manquer au respect, il n’a pas recours à quelque adresse ingénieuse pour le ramener à la vertu, ainsi que faisait le prince Chun, qui ayant un père très vicieux, redoublait chaque jour ses attentions et ses complaisances, inventait des moyens de le réjouir, afin de gagner ses bonnes grâces, et de lui inspirer l’amour et la pratique de la vertu. Le second, quand un fils qui a des parents pauvres, n’a pas soin de soulager leur misère, et de fournir à leur subsistance. La troisième enfin, quand un fils néglige de se marier, et de laisser une postérité qui perpétue dans sa famille le respect filial, en pratiquant plusieurs fois l’année les cérémonies prescrites pour honorer les parents défunts.