Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/494

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si bien réglée, qu’ils entraînent les princes par leur exemple, et les forcent en quelque sorte de les imiter.

Trois choses, poursuit Mencius, causent de la joie à l’homme véritablement sage : 1° La bonne santé de son père et de sa mère, et l’union qui règne dans sa famille . 2° Lorsqu’il élève les yeux vers le Ciel, de ne trouver rien dans son cœur qui soit répréhensible ; et lorsqu’il les baisse vers les hommes, de ne voir rien dans ses actions dont il puisse rougir. 3° De pouvoir inspirer aux peuples par ses entretiens et par ses exemples le désir de se perfectionner dans la vertu. Il ne fait pas consister son bonheur, comme vous voyez, dans la possession des honneurs et des richesses. Fût-il le maître de s’établir un florissant royaume dans le cœur de l’empire, et de se soumettre tous les peuples qui sont entre les quatre mers, ce n’est point là ce qui ferait sa béatitude. Tout ce qui lui est extérieur, honneurs ou mépris, richesses ou pauvreté, n’est pas capable de lui donner de la joie ou du chagrin. Son plaisir est de cultiver et de perfectionner les vertus qu’il a reçues de la nature, la piété, l’équité, l’honnêteté, et la prudence. Ces vertus, quand elles ont pris de fortes racines dans son cœur, se produisent au-dehors par la sérénité de son visage, par la modestie de sa contenance, de ses gestes, de sa démarche, et de toutes ses actions : toutes les parties de son corps suivent l’impression que leur donne la vertu qui réside en son cœur.

La mémoire du prince Ven vang, continue-t-il, sera toujours en vénération : on ne cesse de louer sa piété, sa clémence, et le soin qu’il prenait des pupilles, des veuves, des orphelins, et des vieillards. Est-ce à dire qu’il était attentif à envoyer tous les jours les aliments nécessaires à chaque famille ? Il n’aurait pu y suffire.

Voici donc le moyen qu’il prit pour soulager la pauvreté de ses peuples, et surtout de ceux qui n’étaient pas en état de fournir à leurs besoins, par leur faiblesse, ou par leur grand âge. Il assigna cinq petits arpents de terre à chaque père de famille, pour s’y construire une maison, et former des jardins : il ordonna qu’on y plantât des mûriers, afin que les femmes pussent de leurs feuilles nourrir des vers à soie : par là les vieillards avaient des étoffes pour se vêtir, et se garantir du froid. De plus il voulut que chaque maison eût des poules et des cochons. Enfin il lui donna une certaine quantité d’arpents de terre, que les enfants qui étaient forts et robustes, devaient labourer. Et par ce sage règlement le bon vieillard avait de quoi se nourrir lui et toute se famille. Quand le prince eut ainsi pourvu aux besoins de son peuple, il le trouva et plus docile à écouter ses préceptes, et plus attentif à les suivre.

Qu’on connaît mal la vraie vertu ! s’écrie-t-il encore. Ce qui aveugle la plupart des hommes, c’est l’horreur qu’ils ont du mépris et de la pauvreté, et l’ardeur avec laquelle ils se portent vers les honneurs et les richesses. Qu’un homme soit affamé, les viandes les plus insipides seront de son goût : il semble que la langue et son palais ne puissent plus juger des saveurs. La faim et la soif des richesses produit le même effet sur le cœur de l’homme.