Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/51

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gouverne un si grand peuple, est admirable. Qu’il publie ses ordres sur un simple carré de papier, scellé de son sceau, et affiché aux carrefours des villes et des villages, il est aussitôt obéi.

Une si prompte obéissance a pour base cette profonde vénération, et cette soumission sans réserve à l’égard des parents dans laquelle les Chinois sont élevés dès leur enfance : elle vient aussi du respect que ce mandarin s’attire, par la manière dont il conduit un peuple accoutumé à le regarder comme l’empereur, dont il représente la personne. Le peuple ne lui parle qu’à genoux lorsqu’il rend la justice dans son tribunal. Il ne paraît jamais en public qu’avec un grand appareil, et son train est majestueux. Il est superbement vêtu, son visage est grave et sévère ; quatre hommes le portent assis sur une chaise fort propre, découverte et dorée si c’est en été, et fermée d’un tour de soie si c’est en hiver : il est précédé de tous les gens de son tribunal, dont les bonnets et les habits sont d’une forme extraordinaire.


Cérémonies à la marche d'un mandarin.

Ces officiers marchent en ordre des deux côtés de la rue ; les uns tiennent devant lui un parasol de soie, les autres frappent de temps en temps sur un bassin de cuivre, et d’espace en espace ils avertissent à haute voix le peuple, de se tenir en respect à son passage. Quelques-uns portent de grands fouets, d’autres traînent de longs bâtons, ou des chaînes de fer ; le fracas de tous ces instruments fait trembler un peuple naturellement timide, et qui sait qu’il n’échapperait pas aux châtiments que lui ferait souffrir le mandarin, s’il contrevenait publiquement à ses ordres.

Ainsi dès qu’il paraît, tout le peuple, qui est dans les rues, lui témoigne son respect, non pas en le saluant, de quelque manière que ce soit, ce serait une familiarité punissable ; mais en se retirant à l’écart, se tenant debout, les pieds joints l’un auprès de l’autre, les bras pendants et serrés le long des côtes ; et il demeure dans cette posture la plus respectueuse, jusqu’à ce que le mandarin soit passé.

Si un mandarin du cinquième ordre, tel que le tchi fou, marche avec cette pompe, on peut juger quelle est la magnificence de la marche du tsong tou, ou du viceroi. Il a toujours pour le moins une centaine d’hommes qui l’accompagnent, et cette longue suite qui n’a rien d’embarrassant, parce que chacun sait son poste, occupe quelquefois toute une rue. C’est au milieu de ce cortège qu’il paraît revêtu de ses habits de cérémonie, et élevé sur une chaise fort grande et bien dorée, que huit hommes portent sur leurs épaules.

D’abord paraissent deux timbaliers, qui frappent sur des bassins de cuivre pour avertir de la marche : viennent ensuite huit porte-enseignes de bois vernissé, où sont écrits en gros caractères les titres d’honneur du viceroi ; quatorze drapeaux où l’on voit les symboles propres de sa charge, tels que sont le dragon, le tigre, le phénix, la tortue volante, et d’autres animaux ailés ; six officiers qui portent une planche, faite en forme de pelle fort large, élevée, et suspendue, où l’on lit en gros caractères d’or les qualités particulières de ce mandarin. Deux autres portent, l’un un parasol de soie jaune à triple étage, et l’autre l’étui où se