Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/551

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ferait les plus grandes fautes qu’on n’oserait l’en avertir et par une conséquence infaillible, l’État serait en très grand danger.

Dans la première antiquité, nos sages princes avaient ordinairement en leur présence un homme, dont le devoir et l’emploi était de marquer leurs fautes, et d’en tenir un mémoire exact. Ils avaient de plus deux officiers, dont l’un était chargé de lire au prince ce qui se faisait en prose dans tout l’empire touchant le gouvernement, l’autre avait soin de recueillir les vers et les chansons qui couraient. Non seulement les ministres et les autres gens en place, donnaient librement, suivant les occurrences, les avis nécessaires et importants ; mais chacun dans les grands chemins et en plein marché, pouvait s’entretenir sans crainte de ce qu’il désapprouvait. Par là le prince était exactement instruit de ses devoirs et de ses fautes. Or qu’y a-t-il de plus avantageux pour bien gouverner ? Ils n’ignoraient pas ces anciens, la différence qu’il y a du sujet au prince, et ce qu’on devait au rang qu’ils tenaient. Mais ils n’en étaient pas moins exacts à respecter les vieillards[1], à se fournir de bons ministres, en élevant les gens de mérite, et à se procurer, autant qu’ils pouvaient, des avis sincères. En respectant ainsi les vieillards, jusqu’à les servir de leurs propres mains, leur vue était de faire fleurir la piété filiale dans les familles. Ils s’associaient, pour ainsi dire, au gouvernement des gens de mérite parce qu’ils savaient combien il est dangereux qu’un homme si élevé au-dessus des autres, ne s’enorgueillisse de son rang, et que son orgueil ne l’aveugle. Enfin ils ouvraient aux remontrances un si grand chemin, parce qu’ils ne craignaient rien tant que d’ignorer leurs propres fautes, et d’être par là hors d’état de s’en corriger.

Chi hoang manquait-il de grands talents ? Non, sans doute. Après s’être assujetti tout l’empire, et détruit les six royaumes qui le partageaient, il en fit un partage tout différent en Kiun[2] et Hien[3], qu’il gouverna par des officiers aimables. Du côté qu’il avait le plus à craindre, il se fortifia d’une longue et prodigieuse muraille. Il entrait lui-même sur toutes choses dans un aussi grand détail, qu’un chacun le puisse faire dans une famille particulière. Cependant Tchin[4] défit les troupes de Chi hoang, et l’empire passa bientôt aux Lieou ; c’est que Chi hoang plein de lui-même n’écouta que sa cupidité et son orgueil.

Sous la dynastie Tcheou les empereurs érigèrent jusqu’à mille huit cents petits États, dont chacun avait son prince, et chaque prince ses droits. Cependant on ne levait sur les terres qu’une simple dîme, et l’on n’exigeait des peuples que trois jours de corvées par an. Le peuple à l’aise et content, célébrait par ses chansons la douceur du gouvernement, et la

  1. Il y avait une cérémonie pour cela.
  2. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui Fou, ou villes du premier ordre, qui en ont plusieurs autres en leur dépendance.
  3. Villes du troisième ordre, dont plusieurs ensemble font le district du premier ou du second ordre.
  4. C'est le nom d'un homme de rien, qui se révolta contre Chi Hoang.