Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/633

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à en parler mal : assez souvent on le calomnie : du moins a-t-on grand soin de l’observer, de relever et de grossir les moindres fautes qui lui échappent. Quelque favorablement prévenu que soit le prince pour un de ses officiers, quand il lui en vient souvent des plaintes, il ne peut se dispenser d’en examiner la vérité : s’il les trouve toutes sans fondement, c’est un grand bonheur. Mais s’il trouve qu’on dise vrai ; ou il dissimule, et son autorité peu à peu en souffre ; ou il punit tout avec rigueur, et le nombre des criminels devient si grand, qu’on peut à peine espérer de n’y être pas compris tôt ou tard. Alors non seulement les gens de mérite évitent de se produire, mais ceux mêmes qui sont en place appréhendent un fâcheux revers, et se retirent dès qu’ils le peuvent. Or quels grands services peut espérer le prince et l’État, de gens qui vivent dans de continuelles alarmes, et qui sont toujours occupés du soin de leur sûreté ? Quand les choses en sont à ce point, le prince est bien à plaindre.

Mais le moyen de remédier à ces maux ? C’est de rétablir l’ancienne pratique ; et cela n’est pas, ce me semble, si difficile. Parmi ceux qui sont aujourd’hui dans les grands emplois, ou sur les rangs pour y entrer, il y a des gens éclairés et vertueux. S’ils ne s’empressent pas d’en proposer d’autres pour les emplois auxquels on les nomme, ce n’est pas qu’ils ignorent le prix et les avantages d’une telle déférence ; c’est que la mode en est passée, et qu’ils suivent le torrent. Quand Chun donna à Yu l’emploi de se kong, Yu s’excusa respectueusement, et pria avec instance qu’on le donnât plutôt à Tsi, à Ki, ou à Kieou yu plus dignes que lui. Quand Y fut nommé yu koan, il présenta comme plus dignes à son avis, Tchu, Hou, Heong, et Pa. Pe y en usa de même, lorsqu’on le chargea du soin des rits. Il voulut céder à Kouei et à Long. Enfin, dans ces anciens temps, ceux qu’on élevait en usaient ainsi. L’usage qui subsiste encore aujourd’hui, quand on est élevé à quelque charge, de présenter un écrit à l’empereur en action de grâces, est, ce me semble, un petit reste de ce qui se pratiquait anciennement avec tant de fruit. On en peut profiter. Il n’y a qu’à régler une bonne fois que ces écrits qui ne contiendront que des remerciements en l’air et des excuses frivoles, soient absolument rejetés et qu’on ne fasse passer au prince, que ceux où en s’excusant, on indiquera de bons sujets capables de l’emploi dont il s’agit. Chacun le fera sans doute. Alors il ne tiendra qu’à l’empereur de comparer ceux qu’on lui propose, et de préférer en chaque rang ceux à qui plus de gens défèrent. Alors bien des gens capables qui vivent aujourd’hui dans la retraite, uniquement occupés de leur propre perfection, seront obligés de se produire, et de servir l’État dans les grands emplois. Ceux-mêmes qui ambitionnent ces grands emplois, s’efforceront de mériter par leur conduite, que bien des gens les proposent. Le choix des officiers sera fondé, pour ainsi dire, sur le jugement de tout l’empire. Le prince verra par les yeux de presque tous ses officiers le mérite de chacun d’eux. Dès lors cesseront les vains discours, et les intrigues secrètes qui perdent tout. Si donc sans faire attention que ce projet vient d’une personne, dont les lumières sont fort bornées, ceux qui tiennent