Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/639

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présage en est fort à craindre. Ces pieds et ces ailes en plus grand nombre que d’ordinaire, sont les symboles de gens qui cabalent et s’unissent pour troubler. Ces ailes et ces pieds sont de différentes grandeurs. Il y a des brouillons de plus d’une sorte : mais ni ces quatre pieds, ni ces quatre ailes n’ont leur grandeur naturelle : les parties sont encore faibles : il est aisé de les dissiper.

C’est une opinion commune que les calamités et les monstres sont des présages, et en même temps des avis et des instructions aux princes. Ceux qui sont sages, en les voyant, rentrent en eux-mêmes, et tout tourne heureusement à leur égard. Au contraire les princes sans lumières n’en deviennent que plus aveugles, et cet aveuglement aboutit aux derniers malheurs. Le Chi king, le Chu king, le Tchun tsiou, l’histoire des Tsin et des Han en fournissent bien des exemples, que V. M. sans doute n’ignore pas. N’y aurait-il-donc point de nos jours quelque nouveau Che hien à la cour ? Du moins est-il certain que sur nos frontières au midi, il a péri bien du monde ; qu’on y voit la campagne couverte d’ossements sans sépulture. Ce n’est pas sans douleur et sans murmures, que les vivants le voient, et les âmes de ces corps morts y sont sans doute encore plus sensibles. Les troupes envoyées vers Y yang ont aussi beaucoup souffert. Voici le fort des chaleurs ; elles ne sont point encore de retour. Du côté de Tong tcheou, d’un grand nombre de gens occupés aux convois des vivres, il en est revenu fort peu. Le peuple enfin est accablé de travail et de misère, et rien n’est aujourd’hui plus commun que de voir des gens qui se pendent de désespoir, ou qui s’étranglent eux-mêmes. Jugez où en est l’agriculture. Les terres et les métiers ne furent jamais en un si triste état. O que Kia y et Kou yang, s’ils vivaient, jetteraient de hauts cris dans leurs remontrances ! Vous êtes établi pour tenir lieu de père et de mère à vos peuples : au lieu de paraître sensible à ce qu’ils souffrent, et de travailler efficacement à les soulager, vous vous livrez tout entier à vos plaisirs, et vous exposez même votre empire. Comment ne vous rappelez-vous point combien il a coûté à Tai tsou. Vous êtes né avec un esprit fort pénétrant ; servez-vous de ses lumières. Examinez avec une juste crainte les vues de Tien ti. Traitez tous vos officiers selon les rits ; mais contenez-les aussi tous dans le devoir. Souvenez-vous de Teng tong, et de Tong hien. Ce fut la faveur même de leur prince, qui, pour être excessive, les fit périr ; Acquittez-vous aux temps ordinaires des cérémonies réglées. Honorez les vieillards et les sages. Appliquez-vous à procurer la paix à vos peuples. Donnez à propos des ordres pour le soulagement des pauvres. Retranchez pour cela de votre dépense. Moins de repas, moins de travaux inutiles, moins de concerts, moins de vin. Donnez le jour aux affaires, la nuit au repos ; ne laissez approcher de votre personne que gens éclairés et sincères. Éloignez-en tous les flatteurs. Alors il n’y aura plus que d’heureux présages.


L’empereur prit bien ces avis. Quelques jours après Yu Kao et quelques autres, qui cabalaient secrètement, furent découverts, convaincus, et punis de mort. Cela fut cause que l’empereur estima de plus en plus Tsoui quang, et le traita toujours avec distinction.