Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/674

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bornes que Tien avait mis entre les barbares et notre Chine. A en juger par nos histoires, divers pays où nos trois premières fameuses dynasties n’ont jamais fait passer ni leur sagesse, ni leurs armes, font aujourd’hui partie de votre domaine. Votre empire est non seulement plus étendu, que ne l’était autrefois celui des Yng et des Hia[1]. Il va même encore plus loin que n’allait celui des Han. Cela ne vous suffit-il donc pas ? Pourquoi porter encore au-delà vos armes dans des pays incultes et barbares ; Pourquoi épuiser vos finances et accabler vos peuples, par des conquêtes inutiles ? Pourquoi préférer à la solide gloire de gouverner en paix un florissant empire, le vain et imaginaire honneur de faire prendre à quelques sauvages le bonnet et la ceinture.

Chi hoang sous les Tsin, Vou ti sous les Han, en usèrent ainsi. Pour nos cinq Ti[2] et nos trois Hoang ils n’ont jamais rien fait de semblable. Préférer à l’exemple de ces anciens princes celui de Chi hoang et de Vou ti, c’est compter pour rien la vie des hommes, et vous rendre odieux à tous vos sujets. Chi hoang vous en est lui-même un exemple. Le fruit de tous ses exploits fut que son fils perdit l’empire. Vou ti un des Han crut pouvoir profiter des épargnes de ses prédécesseurs, pour agrandir son empire. Il entreprit successivement quatre guerres. Il les soutint assez bien. Mais ses finances s’épuisèrent. Il fut obligé de charger ses peuples ; bientôt la misère fut générale. Les pères vendaient leurs enfants, les maris leurs femmes : il mourait un monde infini : des brigands en troupes s’assemblaient de toutes parts. Vou ti enfin ouvrit les yeux, abandonna ses desseins de guerre, s’appliqua à gouverner en paix son empire, et pour faire connaître à tout le monde son repentir et ses intentions, en faisant heou[3] son premier ministre, le titre qu’il lui donna, fut Fou min[4] heou. Ce changement de Vou ti lui attira le puissant secours de Tien. Un ancien proverbe dit : un cocher craint de verser où il a vu verser un autre. La comparaison quoiqu’un peu basse, peut s’appliquer, pour le sens, à ce qu’il y a de plus grand.


Ensuite il expose au long les dépenses, et conclut par exhorter l’impératrice à n’aller point chercher ces fourmis dans leurs trous, mais à faire seulement garder les frontières.

  1. Noms de dynasties.
  2. C'est-à-dire nos anciens et plus sages princes.
  3. Nom de dignité comme duc.
  4. Fou, rendre heureux ; Min les peuples. C'est-à-dire le duc chargé de rendre les peuples heureux.