Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/694

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efficacement, vous avez défendu qu’on vous offrît rien au-delà des droits ordinaires, qui se recueillent aux temps marqués. Votre ordonnance sur cela publiée le printemps dernier, a tiré des larmes de joie. Vos peuples en la lisant, ou en l’entendant lire, ont fait éclater hautement leur reconnaissance par des fêtes et des chansons. Nous voyons, se sont-ils dit les uns aux autres, nous voyons revenir les plus heureux temps. Célébrons la vertu et les bienfaits du prince qui les fait revivre.

Ce sont-là les sentiments, que produisit dans le cœur de vos sujets votre ordonnance du printemps dernier. Mais aujourd’hui que vous l’abrogez vous-même en recevant les présents de Fei kiun, que croyez-vous qu’on publie ? On dit qu’il n’y a point à compter sur vos ordonnances ; que vous ne voulez que sauver les apparences, et que l’envie d’amasser l’emporte chez vous sur tout le reste. Qu’y a-t-il de plus injurieux à votre vertu ? Fei kiun, à en juger par cette action, n’est pas un bon officier ; il y a de l’artifice dans sa conduite à votre égard. Pourquoi, contre une ordonnance si précise et si récente, vous présenter cette argenterie ? Le moins qu’on en puisse dire, c’est qu’il l’a fait pour vous sonder, et pour prendre lui-même son parti selon celui que vous prendrez. Si l’empereur ne reçoit point le présent, se sera-t-il dit à lui-même, il faudra marcher droit, et faire son devoir ; s’il le reçoit, son ordonnance n’est que pour la forme ; il est bien aise qu’on lui donne : nous pouvons aller notre train, et tirer à notre ordinaire sur ceux qui nous sont soumis. Or agir et raisonner de la sorte, n’est-ce pas manquer d’obéissance, de fidélité, et de droiture ? En un mot, n’est-ce pas un crime ?

Cependant comme Fei kiun est un de vos plus grands officiers de guerre, et des plus accrédités ; que d’ailleurs il occupe un poste important par le voisinage des étrangers : si pour ces raisons ou pour d’autres, vous ne voulez pas le punir selon les lois, du moins espérons-nous de V. M. que pour maintenir votre ordonnance en vigueur, pour instruire de nouveau les provinces de vos véritables intentions, et pour ne pas décrier votre gouvernement, il vous plaira de faire expédier dans les formes un ordre précis et pressant, pour que l’argent envoyé par Fei kiun ne reste point dans le palais, mais soit remis sans délai aux trésoriers ordinaires.


Hien tsong ayant lu ce placet, en fut d’abord surpris, et un peu ému : mais se tranquillisant aussitôt, il fit entrer Li kiang et lui dit :

Le nombre des affaires est si grand, qu’il est difficile d’avoir sur toutes une mémoire bien présente. J’ai en effet permis qu’on reçût ce qu’à présenté Fei kiun : mais c’est pure faute d’attention. Pour Fei kiun il est excusable par un endroit : quand il a fait partir son présent, mon ordonnance était encore en chemin, et n’était pas parvenue jusqu’à lui : au reste conformément à votre placet, cet argent sera remis sans délai aux trésoriers ordinaires. En effet ce jour-là même la chose s’exécuta, et l’empereur en donna avis à tous les ministres d’État, par un écrit conçu en ces termes.

Voici tant de pièces d’argenterie que Fei kiun m’a fait présenter. Cela est contre mes ordres. Mais parce qu’avant qu’il les eût reçus, les gens