Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/766

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commun, il serait bon que V. M. appelât en cour celui qui en est l’auteur ; qu’elle lui fît des questions, qu’elle lui marquât de la bonté, et lui donnât quelques louanges, ne fût-ce que pour l’amuser, et lui inspirer plus de liberté à vous donner dans les occasions des avis utiles.

5° Quoique les plus bas officiers ne communiquent pas d’ordinaire immédiatement avec le prince, il me semble cependant que si V. M. instruite par des voies sûres, que tel d’entr’eux fait bien son devoir, l’appelait tout à coup, sans qu’on sut pourquoi, témoignait être instruite et satisfaite de sa conduite, et lui donnait quelque marque de ses bontés, non seulement il n’y aurait pas d’inconvénient, mais ce serait un bon moyen pour inspirer des sentiments d’honneur et de vertu à ceux de son rang, ils sont en nombre ; et vu leurs appointements modiques, et la distance énorme où ils se croient du souverain, ils peuvent aisément se négliger. Eux et tout l’empire verraient par là quelle tendresse V. M. a pour ses peuples, quelle attention elle a sur ce qui peut contribuer à leur bonheur, quel cas elle fait du mérite et de la vertu, en quelque rang qu’ils se trouvent, et ce serait, ce me semble, un nouveau moyen, outre ceux qui sont réglés par les lois, d’augmenter le nombre des bons officiers, et de diminuer celui des méchants.


Dans un autre article le même Sou ché dit :

Quand on n’envoie à la cour aucune requête, et qu’en effet dans tout l’empire il n’y a personne qui ait raison de se plaindre ; quand il ne vient aucune supplique, et qu’en effet dans tout l’empire chacun a tout ce qu’il souhaite, ou ce qu’il sait pouvoir raisonnablement souhaiter ; c’est l’effet du plus beau et du plus parfait gouvernement, et la plus éclatante preuve qu’on puisse avoir de la sagesse supérieure, et du parfait désintéressement de ceux qui gouvernent. Et c’est ce qui se vit autrefois sous les heureux règnes des grands princes Yao et Chun. Que si l’on ne peut venir à bout de faire cesser toute accusation et toute supplique, il faut du moins faire en sorte que ces procès et ces requêtes s’expédient promptement et sans délai, que les officiers des provinces ne sentent point une distance énorme d’eux à la cour, et que le plus petit peuple trouve un facile accès auprès des officiers des provinces.

L’homme, par exemple, a un cœur et deux mains ; sent-il quelque douleur, ne fût-ce qu’une démangeaison en quelque endroit ; quoique le mal dans le fond ne soit pas considérable, ni capable d’alarmer, les mains ne manquent point de se porter à l’endroit qui souffre ; elles le font même très fréquemment. A chaque fois qu’elles s’y portent, est-ce par un ordre exprès et formel du cœur ? Il n’est du tout point besoin d’un ordre ainsi réfléchi et bien marqué. Car comme le cœur agit naturellement et habituellement pour tout le corps, les mains sont aussi naturellement accoutumées à suivre les inclinations du cœur. Ainsi vont les choses dans un État qui est gouverné par des sages du premier ordre. Un amour tendre et sincère unit tellement le chef avec tous les membres, et tous les membres avec le chef, qui est l’empereur, que leurs maux et leurs dangers grands et petits