Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/769

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ces officiers sont peu de chose pour la plupart, on a cru devoir déterminer qu’ils ne pourraient monter qu’à certain degré : de sorte que, se trouvât-il parmi ces gens-là un homme du premier mérite, quelque longtemps qu’il vive et qu’il soit en charge, il ne parvient jamais aux grands emplois, ni aux grandes dignités. Je trouve à cela de l’inconvénient ; car enfin celui qui entre dans les charges, y cherche du moins en partie l’honneur et la distinction ; si on lui ferme le chemin de ce côté-là, il n’a plus à espérer de ses services et de ses peines, que de devenir plus riche. Dès lors il est naturel qu’il y pense tout de bon, et il est à craindre que cette passion devenue maîtresse de son cœur et y régnant seule, ne le porte à de grands excès.

Je dis à peu près la même chose de ces gens, qui moyennant une certaine somme fournie au trésor royal, obtiennent tel ou tel emploi, toujours avec cette clause, qu’ils ne peuvent monter plus haut. Il est naturel qu’ils pensent à faire valoir leur emploi le plus qu’ils pourront ; et dès lors il est à craindre qu’ils ne vendent la justice, et ne fassent souffrir les peuples. Je voudrais donc qu’on ne se servît point d’un homme, qu’on serait, pour ainsi dire, obligé d’abandonner, et qu’on expose ainsi à la tentation de s’abandonner soi-même. Je voudrais que, dès qu’on met quelqu’un dans les emplois, on lui laissât le chemin ouvert, pour parvenir, selon ses talents, son mérite, et ses services, jusqu’aux plus grands.

Un prince vraiment éclairé ne se croit bien ferme sur le trône, qu’autant qu’il voit ses peuples bien affermis dans l’amour du bien, et dans un éloignement sincère de tout ce qui est injuste et déraisonnable. Ces peuples, qui sous nos trois fameuses dynasties ne s’écartaient jamais de l’obéissance et du devoir, pour quelque danger ou quelque intérêt que ce fût ; ces peuples, dis-je, étaient-ils toujours animés ou retenus par quelque récompense, ou par quelque punition présente ? Non. Mais leur cœur était établi dans le bien et dans l’amour de la justice : ils ne se pouvaient résoudre à rien qui y fût clairement contraire. Le froid, la faim, les ignominies, la mort, rien ne pouvait leur faire oublier ce qu’ils devaient à leur prince. Voilà pourquoi nos trois fameuses dynasties ont duré chacune si longtemps. Sous les dynasties suivantes, ce n’a plus été la même chose. On a vu les peuples assez fréquemment oublier leur devoir pour des intérêts modiques, négliger les ordres du souverain, au moindre danger qu’il fallait courir ; donner presque en toutes choses dans l’artifice et la fourberie, éluder ainsi les lois les plus rigoureuses ; enfin pleins d’aversion pour ceux qu’ils voyaient sur leurs têtes, se réjouir de leurs malheurs. Alors survenait-il des inondations, des sécheresses, ou quelque autre calamité ? S’élevait-il quelque rebelle ? Tout l’État était renversé, et l’empereur se trouvait sans peuples. Sur cela vos lettrés de différents âges redisent tous la même chose. Sous nos trois fameuses dynasties, on pourvoyait, disent-ils, à ce qui regardait l’instruction des peuples. Il y avait pour cela des écoles publiques et des exercices fréquents, les rits étaient en vigueur. Il y en avait pareillement pour prendre le bonnet la première fois, pour les