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chaises soutiennent chacun un bout sur une épaule, et alors on a d’ordinaire huit porteurs, afin qu’ils puissent se relever les uns les autres.

Lorsque pour éviter la chaleur, on voyage pendant la nuit, surtout le long des montagnes, qui sont infestées de tigres, on prend des guides sur les lieux, qui portent des torches allumées ; ces torches servent à éclairer, et empêchent les tigres d’approcher, parce que le feu leur cause naturellement de la frayeur. Elles sont faites de branches de pin séchées au feu, et préparées de telle sorte, que le vent et la pluie ne font que les allumer davantage.

Avec ce secours, on marche toute la nuit à travers les montagnes, avec autant d’assurance et de facilité, qu’on marcherait en plein jour, et en rase campagne : quatre ou cinq de ces guides avec des torches, suffisent pour conduire sûrement : on en change de lieue en lieue ; chaque torche qui a six à sept pieds de long, dure près d’une heure.

Dans les pays de montagnes, on trouve communément de distance en distance ces sortes de commodités, pour la sûreté des personnes qui voyagent. Cependant il n’y a guère que les envoyés de la cour, les mandarins, et autres grands seigneurs, qui fassent ces sortes de voyages pendant la nuit car ayant un grand cortège à leur suite, ils n’ont rien à craindre, ni des tigres, ni des voleurs.

Ce n’est pas un petit agrément pour les voyageurs, que la quantité de villages qu’ils trouvent sur leur route, et le grand nombre de pagodes qui sont dans ces villages : vis-à-vis de ces pagodes, et sur le grand chemin, on voit quantité de monuments de pierre appelés che pei, sur lesquels il y a des inscriptions.


Des che pei ou monuments de pierres.

Ces che pei sont de grandes pierres posées debout sur des bases qui sont aussi de pierre : la plupart sont de marbre. Les Chinois ouvrent une mortaise dans cette base et ils taillent un tenon dans la pierre, puis ils les assemblent sans autre façon. On voit de ces pierres qui ont bien huit pieds de haut, sur deux de large, et presque un pied d’épaisseur. Les communes ne passent pas quatre à cinq pieds, et le reste à proportion.

Les grandes sont portées le plus souvent sur des tortues de pierre : en quoi les architectes chinois, si cependant ils méritent ce nom, ont eu plus d’égard à la vraisemblance que les architectes grecs, qui ont introduit les caryatides et les termes ; et pour rendre encore cette invention plus bizarre, quelques-uns se sont avisés de mettre des coussins sur la tête de ces caryatides, de crainte apparemment, que de si lourds fardeaux les incommodassent.

Il y a de ces che pei qui sont enfermés dans de grands salons, mais ils sont en petit nombre. Les autres, pour éviter la dépense, sont enchâssés dans un petit édifice de brique couvert d’un toit fort propre. Ils sont parfaitement carrés, excepté le haut qui va un peu en s’arrondissant, ou pour couronnement, on grave quelque grotesque. Ce couronnement est souvent d’un autre morceau de pierre.

Quand on l’élève pour des grâces qu’on a obtenues de l’empereur, ou pour des honneurs qu’il a fait, on grave deux dragons diversement entortillés. Les peuples des villes en élèvent à leurs mandarins après leur départ,