Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/820

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Quel avantage y a-t-il donc à les céder ? Que réellement l’année prochaine il revienne ; et que pour avoir quelque repos, on lui en cède encore autant ; voilà bientôt vos États réduits à rien. Si Votre Majesté veut m’en croire, point de repos à ce prix. Quelque vivement que Tsing nous attaque, et quelque faiblement que nous nous défendions, ses conquêtes et nos pertes ne sauraient en un an aller à six villes. Pourquoi les céder sans coup férir ? C’est fortifier notre ennemi, en nous affaiblissant nous-mêmes.

J’ajoute que c’est augmenter son insatiable cupidité, et l’inviter à revenir. Quand il reviendra, ou vous lui céderez encore du terrain, ou non. Si vous lui en cédez, je l’ai déjà dit, vous voilà bientôt roi sans royaume. Si vous refusez alors de lui céder ce qu’il voudra, bien loin de vous tenir compte de ce que vous voulez aujourd’hui céder, il se tiendra pour offensé, et vous le fera sentir, s’il peut.

Le roi étant incertain et flottant entre l’avis de Yu et celui de Tchao ho, Leou ouan, qui avait eu une commission vers Tsing, revint en cour. Le roi lui exposa toute chose, et lui demanda son sentiment. Leou ouan, que Tsing avait corrompu, répondit que tout bien considéré, le meilleur parti était de céder à Tsing ces six villes. Croyez-moi, prince, ajouta-t-il, Yu king, qui soutient le contraire, ne regarde les choses que par un côté : Tsing est vainqueur, vous le savez : chacun applaudit à ses victoires, et recherche son amitié. Si vous l’irritez, les États voisins profiteront de sa colère contre vous, ne fût-ce que pour faire leur cour à vos dépens : ils vous attaqueront d’un côté, pendant qu’il vous attaquera de l’autre. Le moyen de résister. Au contraire si vous cédez à Tsing ces six villes, chacun conclura, que vous êtes bien ensemble, et personne ne remuera. Céder est donc le meilleur. Il n’y a pas à balancer.

Yu king fut averti de tout : aussitôt demandant audience, prenez garde, prince, dit-il : Leou ouan est sans doute gagné par Tsing. Céder six villes, c’est, prétend-t-il, adoucir Tsing, et tromper sagement les autres princes ; et moi je dis : c’est irriter la cupidité de Tsing, et publier votre faiblesse par tout l’empire. Au reste, si je m’oppose si fortement à la cession qu’on propose, ce n’est pas que je ne sache qu’il est quelquefois de la sagesse de céder une partie de ses États, pour conserver le reste ; mais dans la situation où nous sommes, cette conduite ne peut avoir lieu ; je soutiens qu’il est contre vos vrais intérêts de céder ces six villes à Tsing : que ne les cédez-vous plutôt à Tsi son ennemi capital ? Par là vous mettrez Tsi en état d’attaquer Tsing du côté de l’ouest à peu près à forces égales. Tsi acceptera sans hésiter les propositions que vous lui ferez : vous pourrez tous deux vous venger de Tsing, et tout l’empire dira que vous êtes habile. Quand Hou et Hoei verront qu’au lieu de céder comme eux lâchement vos terres à Tsing, vous vous êtes mis en état de ne le pas craindre, ils vous regarderont comme un prince capable qui peut leur devenir nécessaire : ils vous aideront du moins secrètement pour secouer eux-mêmes, s’ils peuvent, le joug de Tsing. Ainsi vous vous attachez d’un seul coup du moins trois royaumes. Tsing alors changera de ton. Le roi goûta ce dernier avis. Il envoya