Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/897

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et s’adressant au douanier : c’est moi, lui dit-elle, qu’on doit punir, ne cherchez point d’autre coupable. Comment cela ? dit le douanier, car il faut faire un procès verbal. A la mort de mon père, dit Tsou, ma belle-mère a jeté les bracelets. J’ai trouvé que c’était dommage, je les ai ramassés, et mis dans cette cassette : ma belle-mère n’en a rien su. On vient dire à la belle-mère la déclaration de Tsou. Elle court aussitôt vers la jeune fille, pour savoir ce qui en était. Oui, ma mère, continua Tsou, ces bracelets que vous jetâtes, c’est moi qui les ai ramassés à votre insu, et mis dans cette cassette. On les a surpris à cette douane, et la loi prescrit pour cela, dit-on, la peine de mort : c’est moi qui la dois subir. Tsou parlait si affirmativement contre soi-même, que sa belle-mère croyait presque qu’elle disait vrai.

Cependant, par tendresse et par compassion, elle va interrompre le douanier, qui avait la déposition de Tsou. Monsieur, lui dit-elle, attendez je vous en prie : ma fille n’est point coupable ; ne vous en prenez point à elle. Ce sont mes bracelets et non les siens. A la mort de mon mari, je les pris et les mis dans cette cassette. La douleur, les soins, la fatigue, m’ont fait oublier qu’ils y étaient : c’est ma faute, qu’on me punisse. Non, reprit la fille avec fermeté, c’est moi qui ai ramassé ces bracelets. Non, dit la mère, c’est moi-même : ma fille ne parle ainsi que par tendresse pour moi, et pour me tirer du péril à ses dépens. Seigneur, disait la fille, par compassion pour moi, ma mère se charge d’une faute qu’elle n’a pas faite, elle s’expose elle-même pour me sauver la vie. Enfin l’une ne pouvant l’emporter sur l’autre dans ce généreux combat, elles s’embrassèrent toutes deux, tâchant de se vaincre mutuellement par leurs sanglots et par leurs larmes. Tous les parents étaient en pleurs à ce spectacle, les gens les plus indifférents en étaient attendris, jusqu’à ne pouvoir retenir leurs larmes. Il n’y eut pas jusqu’au commis de la douane à qui le procès tomba des mains.

Celui qui présidait à ce tribunal, pleurant lui-même ; voilà, dit-il, une aimable générosité dans la mère et dans la fille. C’est à qui mourra des deux. Pour moi, je mourrais plutôt, s’il le fallait, que de condamner l’une ou l’autre. Il jeta par terre les perles, et renvoya tout le monde, mettant cette faute au rang de celles dont on ne connaît point les coupables. Le convoi poursuivit sa route, et l’on sut bientôt après, que c’était l’enfant de neuf ans qui avait mis là ces perles, sans en dire mot à personne. On en estima d’autant plus la généreuse tendresse de Tsou, et de sa belle-mère.


Les exemples qu’on vient de rapporter, sont tirés d’un ancien recueil, dont l’auteur vivait il y a deux mille ans : on n’a fait que les traduire.

On eût pu en rapporter plusieurs autres, en feuilletant les histoires particulières des différentes villes : car comme je l’ai déjà dit ailleurs, c’est un usage à la Chine, que chaque ville imprime l’histoire et les annales de son district.

Ces histoires sont divisées en plusieurs chapitres, selon la différence des matières. Le premier contient la carte du lieu, et en expose bien ou