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L’INVASION MAROCAINE

les uns les autres. Ils règlent leurs rivalités les armes à la main. Le pacha du jour fait décapiter ou jeter en prison le pacha de la veille. Deux ou trois seulement parviennent à mourir au pouvoir, et encore n’est-ce pas de vieillesse. En trente ans l’on compte une vingtaine de gouverneurs (1620-1650). Il en est qui ne conservent le pouvoir que sept ou huit mois. Dans la suite on comptera leur règne par semaines et par Jours. Certains ne gouvernent qu’un seul jour. Parfois il n’y a pas de pacha du tout. Quoique discutée et entourée d’un prestige éphémère et tragique, l’unité de commandement subsiste cependant assez longtemps et toute révolte indigène trouve les Marocains unis.

Cette solidarité ne tarde pas à être entamée à son tour. Des garnisons se mutinent et livrent bataille aux troupes du pacha. Des rivalités divisent les troupes comme leurs chefs. Parmi les soldats les uns sont de Fez, les autres de Marrakech ou du sud marocain. Ces éléments divers n’ont pas été fondus à leur arrivée au Soudan. Ils se sont groupés dans des garnisons différentes, et ces groupes se jalousent. Peu à peu les garnisons se rendent indépendantes et forment de petits gouvernements qui régissent les pays avoisinants. Le titre de pacha reste au commandant de Tombouctou, mais il est purement nominal : son autorité n’est reconnue que dans sa région. Il n’est ni plus ni moins que les gouverneurs des autres régions. Le seul lien qui unit dès lors la colonie à sa métropole est le tribut au sultan, payé du reste le plus irrégulièrement possible.

Au xviiie siècle l’indépendance du Soudan est complète. Il n’est même plus question du mot « Marocains » pour désigner les maîtres du pays. Par des mariages avec les Songhoïs, les premiers conquérants s’étaient multipliés sur place, et abondamment, car les guerres leur avaient livré des épouses