Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/134

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qui tient la mer avec un pareil dessein, donne de l’inquiétude à deux cens lieuës de Côtes. Aujourd’hui c’est un lieu qui est menacé, & demain c’en est un autre. Si tous les bâtimens & toutes les Troupes destinées à la garde de la Côte que range une Flote ennemie ne sont point sous les ordres du même Officier, & s’il ne peut point à son plaisir les faire passer d’un endroit à un autre, le bien du Service en doit souffrir beaucoup. Dire que l’Officier qui commande dans le Païs où l’allarme cesse, envoyera sur le champ ses forces dans le Païs qui commence d’être menacé par l’armée navale des ennemis, c’est n’avoir point une idée juste de cette espece de guerre ; c’est encore ne pas connoître à quel point la jalousie regne ordinairement entre des Officiers de même grade qui commandent chacun en Chef dans des Départemens voisins, & combien elle apporte d’obstacle au service du Prince. Voilà donc ce qui aura fait comprendre dans le même Commandement, non-seulement la seconde & la troisiéme Lyonoise, ainsi que la premiere Aquitaine & la seconde Aquitaine, mais encore une partie de la seconde Belgique, c’est-à-dire, toute la Côte de cette Province-là ; de maniere que le Commandement Maritime commençoit à l’embouchure du Rhin, & s’étendoit jusqu’à la Garonne. Quant aux raisons qui auroient fait aussi renfermer dans ce Gouvernement Tours, et plusieurs autres cités de la troisiéme Lyonoise qui sont Méditerranées, aussi-bien que toute la quatriéme Lyonoise ou la Senonoise, dont aucune Cité n’étoit baignée de la Mer, voici celles que j’imagine.

Non-seulement les Saxons & les autres Barbares qui exerçoient alors le métier de Pirates, faisoient souvent des descentes sur les Côtes ; mais comme nous le dirons plus au long quand il en sera tems, ils remontoient les Fleuves sur leurs Barques legeres, & quelquefois il leur arrivoit de mettre pied à terre à cinquante lieuës de la mer. Il étoit donc nécessaire d’entretenir dans les rivieres des Flotes composées de Barques & d’autres Bâtimens plats, & il convenoit que les bassins & les arsenaux de ces Flotes fussent fort avant dans les terres, afin que les ennemis qui venoient par Mer ne pussent point les surprendre. Ainsi la nécessité de mettre les petits Bâtimens des Flotes qui gardoient la Loire & la Seine, dans des bassins où ils fussent en sureté, & la convenance qu’il y avoit que les lieux où l’on leur donnoit ces abris fussent dans