Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/339

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qu’elle a paru d’une si grande importance à plusieurs de nos écrivains, qu’elle les a seule empêchés d’adopter le sentiment que nous suivons. Voici cette objection.

Dans la plûpart des manuscrits de Gregoire de Tours, on lit à l’endroit que nous venons de rapporter, toringia, et non pas tongria, on lit toringi, et non pas tongri. Ainsi ce n’est pas en suivant cette leçon, dans le païs de Tongres, l’une des cités des Gaules, qu’il faut chercher l’établissement des francs sujets de Clodion, et Dispargum, la demeure ordinaire de ce prince. C’est dans la Turinge, région de la Germanie, qu’il faut chercher tous les Etats que tenoit Clodion avant l’année quatre cens quarante-trois qu’il passa le Rhin, et qu’il s’établit dans les Gaules, en se rendant maître de Cambray et des païs adjacens. Mais cette derniere supposition quadre si mal avec ce que dit Gregoire de Tours dans le passage même dont il est ici question, et où il écrit que les Francs venus de la Pannonie passerent le Rhin pour s’établir dans leur Turinge : elle s’accorde si mal, comme on le verra dans la suite, avec ce que nous sçavons de certain sur les conquêtes de Clovis, qu’elle n’est pas soutenable. Quand bien même on ne trouveroit rien dans la lettre de tous les monumens de nos antiquités qui autorisât à corriger ici le texte de Gregoire de Tours en y lisant tongri au lieu de toringi, et tongria au lieu de toringia, il ne faudroit point laisser d’y faire d’une maniere ou d’une autre cette restitution. Heureusement nous ne sommes pas réduits à ne pouvoir sortir d’embarras que par un coup aussi hardi. En premier lieu, il y a des manuscrits autentiques, où cette correction se trouve toute faite, et où on lit tongri et tongria, et non point toringi et toringia. Il y a plus, c’est que je crois qu’au fonds, et cela est encore plus décisif, il n’est pas necessaire de faire aucune restitution, et qu’il suffit de montrer qu’ici Gregoire de Tours a entendu la tongrie par turingia, et les tongriens par turingi, et même qu’il a cru pouvoir dire indifferemment tongri et toringi, tongria et toringia. En suivant mon opinion, tous les manuscrits auront également raison, et il ne sera pas besoin d’en corriger aucun, pour avoir l’intelligence du texte de notre historien. C’est un avantage que n’ont point les auteurs, qui croyent que Gregoire de Tours ait voulu dire que les Francs s’établirent d’abord dans cette partie de la Germanie, qui s’appelle encore la Turinge. Comme il ne faut point passer le Rhin pour venir de la Pannonie dans la Turinge, et comme Gregoire de Tours écrit