Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/688

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des Bourguignons et par d’autres pareils, et nous ne sommes pas assez instruits sur l’histoire de ce tems-là pour blâmer ceux qui gouvernoient alors dans les provinces obéïssantes, et pour les traiter d’aveugles qui se guidoient les uns les autres. Ils auront bien prévu les suites que pouvoit avoir leur choix ; mais ce qui arrive tous les jours aux plus éclairés, ils auront pris un parti dangereux pour se tirer d’un pas encore plus dangereux. Quand les Etats Generaux des Provinces-unies, laisserent au prince d’Orange après qu’il eut été fait roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume III la charge de capitaine general et d’amiral general : quand les états des cinq provinces dont il étoit statholder, lui laisserent l’autorité de gouverneur ? Ignoroient-ils les inconveniens du parti qu’ils prenoient. Non certes, mais en se conduisant comme ils se conduisirent, ils vouloient éviter des inconveniens qui leur sembloient encore plus à craindre que ceux auxquels ils sçavoient bien qu’ils s’exposoient. Il n’y a que les hommes qui n’ont jamais eu aucune part aux affaires publiques qui puissent ignorer, que les Etats sont très-souvent dans la triste nécessité de ne pouvoir choisir qu’un mauvais parti, et qu’on n’appelle quelquefois le bon parti celui qu’ils prennent, que parce qu’il est moins mauvais que les autres.

Je reviens aux Romains des Gaules. Si dans les conjonctures fâcheuses où ils se trouvoient à la fin du cinquiéme siecle ils n’eussent point ou pris ou accepté successivement Childéric et Clovis pour maître de la milice, il leur auroit fallu reconnoître en cette qualité quelqu’autre roi des Francs, qui n’aimoit pas les Romains autant que ces princes les aimoient. Peut-être les provinces obéïssantes, si elles n’eussent point pris le parti après la mort de Chilpéric, de reconnoître le roi des Francs pour maître de la milice, auroient-elles été obligées à se soumettre pleinement au gouvernement de Gondebaud frere de Chilpéric, et comme lui un des rois des Bourguignons. Nous avons vû que Gondebaud étoit patrice de l’empire d’Occident, et nous avons dit quel pouvoir donnoit le patriciat à ceux qui en étoient revêtus. Ils étoient après les empereurs et les consuls les premieres personnes de l’empire, et comme tels ils pouvoient s’arroger tout le pouvoir civil et le pouvoir militaire dans les lieux où l’empereur et le consul n’étoient pas. Il n’y avoit alors ni empereur en Occident, ni consul dans les Gaules.