Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/125

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encore les deux qui doivent dominer sur la scene tragique, je veux dire la compassion et la terreur. L’indignation que nous concevons contre Narcisse augmente la compassion et la terreur où nous jettent les malheurs de Britannicus. L’horreur qu’inspirent les discours d’Oénone nous rend plus sensibles à la malheureuse destinée de Phédre ; le mauvais effet des conseils de cette confidente que le poëte lui fait toujours donner à Phedre, quand elle est prête à se repentir, rend cette princesse plus à plaindre, et ses crimes plus terribles. Nous craignons de recevoir de pareils conseils en de semblables conjonctures. On peut donc introduire des personnages scelerats dans un poëme, ainsi qu’on met des bourreaux dans le tableau qui répresente le martyre d’un saint : mais comme on blâmeroit le peintre qui dépeindroit aimables des hommes ausquels il fait faire une action odieuse, de même on blâmeroit le poëte qui donneroit à des personnages scelerats des qualitez capables de leur concilier la bienveillance du spectateur. Cette bienveillance pourroit aller jusqu’à faire plaindre le scelerat, et à diminuer l’horreur du crime par la compassion que donneroit