Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/140

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Il n’est pas besoin d’être philosophe pour supporter un pareil malheur avec constance. Il suffit d’être un homme raisonnable. Ainsi l’on ne sçauroit blâmer les poëtes de choisir pour sujet de leurs imitations les effets des passions qui sont les plus generales, et que tous les hommes ressentent ordinairement. Or de toutes les passions celle de l’amour est la plus generale : il n’est presque personne qui n’ait eu le malheur de la sentir du moins une fois en sa vie. C’en est assez pour s’interesser avec affection aux peines de ceux qu’elle tyrannise. Nos poëtes ne pourroient donc pas être blâmez de donner part à l’amour dans les intrigues de leurs pieces, s’ils le faisoient avec plus de retenuë. Mais ils ont poussé trop loin la complaisance pour le goût de leur siecle, ou, pour dire mieux, ils ont eux-mêmes fomenté ce goût avec trop de lâcheté. En rencherissant les uns sur les autres, ils ont fait une ruelle de la scene tragique. Racine a mis plus d’amour dans ses pieces que Corneille, et la plûpart de