Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/227

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brillant qui naît d’une action metaphorique, les pensées délicates qu’elle suggere et les tours fins avec lesquels on applique son allegorie aux folies des hommes ; en un mot toutes les graces qu’un bel esprit peut tirer d’une pareille fiction, ne sont point en leur place sur le théatre. Le piédestal n’est point fait pour la statuë. Notre cœur exige de la verité dans la fiction même, et quand on lui présente une action allegorique, il ne peut se résoudre, pour parler ainsi, à entrer dans les sentimens de ces personnages chimeriques. Il les regarde comme des symboles et des énigmes, sous lesquels sont enveloppez des préceptes de morale, et des traits de satyre qui sont du ressort de l’esprit. Or une piece de théatre qui ne parle qu’à l’esprit, ne sçauroit nous tenir attentifs pendant toute sa durée. C’est donc principalement aux poëtes dramatiques qu’on peut dire avec Lactance. Apprenez que la licence poëtique a ses bornes, au-delà desquelles il n’est point permis de porter la fiction. C’est à bien répresenter ce qui a pû veritablement arriver, et à l’orner par des images nettes et élegantes que consiste l’art du poëte. Mais inventer une action chimerique et créer des personnages du