Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/239

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d’abord le poëte qui auroit un genie propre à les traiter. Voilà pourquoi le sujet d’Andromaque qui n’avoit point frappé Corneille frappa Racine dès qu’il commença d’être un grand poëte. Le sujet d’Iphigenie en Tauride qui n’a point frappé Racine frappera de même un jeune auteur. On peut dire des sujets de tragedie ce que l’ésope latin dit des fables. Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré. Il suffit aux poëtes tragiques de faire de belles têtes, et ils peuvent pour les rendre plus admirables s’écarter à un certain point des proportions que la nature observe ordinairement. Mais il faut que le poëte comique fasse des portraits où nous reconnoissions les hommes avec qui nous vivons. Nous nous mocquons des caracteres qu’il donne à

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ses personn