Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/313

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le mot perturbator qui sonne si bien à l’oreille n’est pas plus beau en latin que celui de brouillon en françois. Ils reveillent la même idée. La seconde beauté dont les mots sont susceptibles comme signes de nos idées, c’est un rapport particulier avec l’idée qu’ils signifient. C’est d’imiter en quelque façon le bruit inarticulé que nous ferions pour la signifier. Je m’explique. Les hommes se donnent à entendre les uns aux autres par des sons artificiels et par des sons naturels. Les sons artificiels sont les mots articulez dont les hommes qui parlent une même langue sont convenus de se servir pour exprimer certaines choses. Voilà pourquoi un mot n’a de signification que parmi un certain nombre d’hommes. Un mot françois n’a de signification que pour ceux qui entendent cette langue. Il ne reveille aucune idée quand on ne la sçait pas. Lorsque les hommes ont formé ces sons artificiels, toutes les fois qu’ils ont fait une nouvelle langue, ils ont dû, suivant l’instinct de la nature, faire ce que font encore aujourdhui les hommes qui ne sçauroient trouver le mot dont ils ont besoin pour exprimer quelque chose. Ils se donnent à entendre en contrefaisant