Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/317

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qui préside à sa naissance, sont cause qu’on altere la prononciation de la plûpart des mots imitatifs. Ils perdent ainsi l’énergie que leur donnoit le rapport naturel de leur son avec la chose dont ils étoient les signes instituez. Voilà d’où vient l’avantage des langues meres sur les langues dérivées. Voilà pourquoi, par exemple, ceux qui sçavent l’hebreu sont charmez de l’énergie des mots de cette langue. Or quoique la langue latine soit elle-même une langue dérivée du grec et du toscan, néanmoins elle est une langue mere à l’égard du françois. La plûpart de ses mots viennent du latin. Ainsi quoique les mots latins soient moins énergiques que ceux des langues dont ils sont dérivez, ils doivent encore l’être plus que les mots françois. D’ailleurs le genie de notre langue est très-timide, et rarement il ose entreprendre de rien faire contre les regles, pour atteindre à des beautez où il arriveroit quelquefois s’il étoit moins scrupuleux. Nous voïons donc que plusieurs mots qui sont encore des mots imitatifs en latin, ne sont plus tels en françois. Notre mot, hurlement, n’exprime pas le cris du loup, ainsi que celui d’ululatus