Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/345

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avoir observé les regles de notre poësie, déja plus contraignantes que les regles de la poësie latine, cherchent encore avec le seul secours de l’oreille la cadence et l’harmonie. On peut juger de la difficulté de ce travail en faisant réflexion que l’inversion des mots n’est pas permise à nos poëtes dans la vingtiéme partie des occasions où elle étoit permise aux poëtes latins. Après cela je suis bien éloigné de penser qu’il soit impossible aux poëtes françois de faire des vers harmonieux et nombreux. J’ai seulement prétendu soutenir que les poëtes françois ne pourroient pas mettre autant de cadence et d’harmonie dans leurs vers que les poëtes latins, et que ce peu qu’ils en peuvent introduire dans leurs vers, leur coûte plus que toutes les beautez que les poëtes latins ont sçû mettre dans leurs vers n’ont coûté à leurs auteurs. Je ne crois pas même qu’aucun poëte moderne de ceux qui ont composé dans les langues qui se sont polies depuis trois siécles, ait mis plus de cadence et de mélodie que Malherbe en a mis dans les siens, apparemment au prix d’une peine et d’une perseverance dont il avoit obligation au païs où il étoit né. Le lecteur n’en trouvera