Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/352

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nombreux et harmonieux. Rien n’aide un poëte françois à surmonter ces difficultez, que son génie, son oreille et sa perseverance. Aucune méthode reduite en art ne vient à son secours. Les difficultez ne se presentent pas si souvent, quand on ne veut que rimer richement, et l’on s’aide encore pour les surmonter, d’un dictionaire de rimes le livre favori des rimeurs séveres. Quoi qu’ils en disent, ils ont tous ce livre dans leur arriere cabinet. Je tombe d’accord en second lieu que nous rimons tous nos vers, et que nos voisins riment la plus grande partie des leurs. On trouve même la rime établie dans l’Asie et dans l’Amerique. Mais la plûpart de ces peuples rimeurs sont barbares, et les peuples rimeurs qui ne le sont plus, et qui sont devenus des nations polies, étoient barbares et presque sans lettres lorsque leur poësie s’est formée. Les langues qu’ils parloient n’étoient pas susceptibles d’une poësie plus parfaite lors que ces peuples ont posé pour ainsi dire les premiers fondemens de leur poëtique. Il est vrai que les nations européennes dont je parle, sont devenues dans la suite sçavantes et lettrées. Mais comme elles ne se sont

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polies que long-temps après s’être formées en un corps politique ; comme les u