Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/411

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sur les voïes les plus propres, sur les moïens les plus efficaces d’attendrir le cœur humain. On peut faire contre mon sentiment, une objection dont on conclueroit que les vers touchent plus que les tableaux. C’est qu’il est très-rare qu’un tableau fasse pleurer, et que les tragédies font souvent cet effet, même sans être des chefs-d’ œuvres. Je puis répondre deux choses à cette objection. La premiere, qu’elle ne conclut pas absolument en faveur de la poësie. Une tragédie qu’on entend réciter sur le théatre, est aidée par des secours étrangers dont nous exposerons tantôt le pouvoir. Les tragédies qu’on lit en particulier ne font gueres pleurer, principalement ceux qui les lisent sans avoir entendu les réciter auparavant. Car je conçois bien qu’une lecture particuliere qui n’est point capable par elle-même de faire une impression, qui aille jusques aux larmes, est capable de renouveller cette impression lorsqu’elle auroit été faite une fois. Voilà même, suivant mon opinion, pourquoi ceux qui n’ont fait que lire une tragédie, et ceux qui ont entendu réciter la piece sur le théatre, sont quelquefois d’un sentiment

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