Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/413

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durant long-temps avec des armes toûjours nouvelles. Le poëme est long-temps à ébranler l’ame avant que de la conduire à l’émotion qui la fait pleurer. Racine pour nous faire frémir d’horreur lors qu’Iphigenie sera conduite à l’autel fatal, nous la peint vertueuse, aimable et chérie d’un amant qu’elle aime. Ce poëte nous fait passer par differens dégrez d’émotion, et pour nous rendre plus sensibles au malheur de la victime, il nous laisse imaginer durant un temps qu’elle soit échappée au coûteau du sacrificateur. Un peintre qui representeroit l’instant où l’on va plonger le fer sacré dans la gorge d’Iphigenie, n’auroit pas l’avantage d’exposer son tableau devant des spectateurs aussi-bien préparez, et remplis d’amitié, et d’une amitié récente pour cette princesse. Il peut tout au plus nous interesser pour elle ; mais il ne sçauroit nous la rendre aussi chere que le poëte peut le faire. La grandeur d’ame, tous les sentimens élevez d’un beau naturel que le poëte peut prêter à Iphigenie, nous affectionnent bien plus à un personnage de tragédie, que les qualitez extérieures dont un peintre peut orner le personnage d’un tableau, ne nous