Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/62

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presentez, n’auroient obtenu de nous qu’une attention très-legere. Il n’est rien dans l’action d’une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d’un corps de garde qui puisse nous émouvoir. Il s’ensuit donc que l’imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu’elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l’ouvrier avoit pour l’imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher. Nous loüons l’art du peintre à bien imiter, mais nous le blâmons d’avoir choisi pour l’objet de son travail des sujets qui nous interessent si peu.

Le plus beau païsage, fut-il du Titien et du Carrache, ne nous émeut pas plus que le feroit la vûë d’un canton de païs affreux ou riant : il n’est rien dans un pareil tableau qui nous entretienne, pour ainsi dire ; et comme il ne nous touche gueres, il ne nous attache pas beaucoup. Les peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts et sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l’action fût capable de nous émouvoir et par consequent de