Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/81

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On auroit tort cependant d’accuser le public de rigueur envers les poëtes et d’indulgence envers les peintres. Il est tout autrement difficile d’être bon coloriste et dessinateur élegant, que grand arrangeur de mots et rimeur exact. D’ailleurs il n’est point d’imitation de la nature dans les compositions du simple versificateur, ou du moins, comme je l’exposerai plus au long dans la suite de cet ouvrage, il est bien difficile que des vers françois imitent assez-bien dans la prononciation le bruit que le sens de ces vers décrit, pour donner beaucoup de réputation au poëte qui ne sçauroit pas faire autre chose. La rime n’est pas l’imitation d’aucune beauté qui soit dans la nature : mais, comme je viens de le dire, il est d’une imitation précieuse des beautez de la nature dans les tableaux du peintre qui ne sçait que bien colorier. Nous y retrouvons la chair des hommes, et nous reconnoissons dans ses païsages les differens effets de la lumiere et la couleur naturelle de tous les objets. Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher