Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reflexions à ce sujet. La premiere est qu’il est bien difficile qu’un poëme de quelque étenduë, et qui ne doit pas être soutenu par le pathetique de la declamation, ni par l’appareil du théatre, réussisse s’il n’est pas composé sur un sujet qui réunisse les deux interêts ; je veux dire sur un sujet capable de toucher tous les hommes et qui plaise encore particulierement aux compatriotes de l’auteur, parce qu’il parle des choses ausquelles ils s’interessent le plus. On ne lit pas un poëme pour s’instruire, mais pour son plaisir, et on le quitte quand il n’a point un attrait capable de nous attacher. Or il est presqu’impossible que le genie du poëte soit assez fertile en beautez, et que le poëte puisse les diversifier encore avec assez de varieté pour nous tenir attentifs, pour ainsi dire, à force d’esprit, durant la lecture d’un poëme épique. C’est trop oser que d’entreprendre à la fois d’exciter et de satisfaire notre curiosité. C’est trop hazarder que de vouloir nous faire aimer des personnages qui nous sont pleinement indifferens, avec assez d’affection, pour être émus de tous leurs succès et de toutes leurs traverses. Il est bon que le poëte se prévaille de toutes les inclinations et de toutes les passions qui sont