Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/361

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machine au sentiment de l’auteur, qui est ici préferée aux raisonnemens d’un homme, d’un académicien. Qu’on me permette la plaisanterie ; ce cheval mene loin. Les avocats sont communément plus sçavans que les juges. Néanmoins il est très-ordinaire que les avocats se trompent dans les conjectures qu’ils font sur l’issuë d’un procès. Les juges qui n’ont lû qu’un très-petit nombre de livres, mais à qui l’expérience journaliere a montré quels sont les motifs de décision qui déterminent les tribunaux dans le jugement des procez, ne se trompent presque jamais dans leurs prédictions sur l’évenement d’une cause. Or, s’il est quelque matiere où il faille que le raisonnement se taise devant l’expérience, c’est assurement dans les questions qu’on peut faire sur le mérite d’un poëme. C’est lorsqu’il s’agit de sçavoir si un poëme plaît ou s’il ne plaît pas, si, generalement parlant, un poëme est un ouvrage excellent ou s’il n’est qu’un ouvrage médiocre. Les principes generaux sur lesquels on peut se fonder pour raisonner consequemment touchant le mérite d’un poëme, sont en petit nombre. Il y a souvent lieu à quelque