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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/415

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Mais pour acquerir ce goût de comparaison qui fait juger du tableau présent par le tableau absent, il faut avoir été nourris dans le sein de la peinture. Il faut, principalement durant la jeunesse, avoir eu des occasions fréquentes de voir dans une assiete d’esprit tranquille des tableaux. La liberté d’esprit n’est gueres moins necessaire pour sentir toute la beauté d’un ouvrage que pour le composer. Pour être bon spectateur il faut avoir cette tranquilité d’ame qui ne naît pas de l’épuisement, mais bien de la sérenité de l’imagination. Or, nous vivons en France dans une suite continuelle de plaisirs ou d’occupations tumultueuses qui ne laissent presque point de vuide dans les journées et qui nous tiennent toujours ou dissipez ou fatiguez. On peut dire de nous ce que Pline disoit des romains de son temps, un peu plus occupez que les romains d’aujourd’hui, quand il se plaint de la legereté de l’attention qu’ils donnoient aux statuës superbes, dont plusieurs