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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/424

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étoit dans le bon goût. Mais après un certain nombre de représentations, le monde comprit que la maniere de traiter la comédie en philosophe moral étoit la meilleure, et laissant parler contre le Misantrope les poëtes jaloux, toujours aussi peu croïables sur les ouvrages de leurs concurrens, que les femmes sur le mérite de leurs rivales en beauté, il en est venu avec un peu de temps à l’admirer. Les personnes d’un goût exquis, celles dont nous avons dit qu’elles avoient la vûë meilleure que les autres, prévirent même d’abord quel parti le public prendroit avant peu de jours. On sçait les loüanges que monsieur le duc de Montauzier donna au Misantrope après la premiere représentation. Despreaux après avoir vû la troisiéme, soutint à Racine, qui n’étoit point fâché du danger où la réputation de Moliere sembloit être exposée, que cette comédie auroit bien-tôt un succès des plus éclatans. Le public justifia bien la prédiction de l’auteur de l’art poëtique, et depuis long-temps les françois citent le Misantrope comme l’honneur de leur scéne comique. C’est la piece françoise que nos voisins ont adoptée avec la plus grande prédilection.