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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/531

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original, c’est le traducteur qui nous parle. Voilà un grand déchet quand même, ce qui n’arrive gueres, le traducteur auroit autant d’esprit et de génie que l’auteur qu’il traduit. On exprime toujours mieux son idée qu’on n’exprime l’idée d’autrui. D’ailleurs, il est très-rare que les figures qu’on regarde comme rélatives en deux langues, y puissent avoir précisément la même valeur. Il peut encore arriver qu’elles n’aïent pas la même noblesse, quand elles auroient la même valeur. Par exemple, pour dire une chose impossible aux efforts humains, les latins disoient, arracher la massuë à Hercule,

et nous disons en françois, prendre la lune avec les dents

la figure latine

est-elle bien renduë par la figure françoise ? Le déchet est du moins aussi grand pour le poëme, quand son traducteur en veut rendre les figures mot pour mot. En premier lieu le traducteur ne sçauroit rendre les mots avec précision, sans être obligé de coudre souvent à un mot qu’il traduit des épithetes pour en restraindre ou pour en étendre la signification. Les mots que la necessité fait regarder comme synonimes ou comme rélatifs en latin et en françois,