Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/90

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Ce qui constituë le plagiaire, c’est de donner l’ouvrage d’autrui comme son propre ouvrage. C’est de donner, comme étant de nous, des vers entiers que nous n’avons eu aucune peine ni aucun mérite à transplanter d’un poëme étranger dans le nôtre. Je dis que nous avons transplanté sans peine dans notre ouvrage, car lorsque nous prenons les vers dans un poëte, qui a composé dans une langue autre que la langue dans laquelle nous écrivons, nous ne faisons pas un plagiat . Ce vers devient nôtre en quelque façon, à cause que l’expression nouvelle que nous avons prêtée à la pensée d’autrui nous appartient. Il y a du mérite à faire un pareil larcin, parce qu’on ne sçauroit le faire bien sans peine, et sans avoir du moins le talent de l’expression. Il faut autant d’industrie pour y réussir qu’il en falloit à Lacedemone, pour faire un larcin en galant homme. Trouver en sa langue les mots propres, et les expressions équivalentes à celles dont se sert l’auteur ancien ou moderne qu’on traduit : sçavoir leur donner le tour necessaire, pour qu’elles fassent sentir l’énergie de la pensée, et qu’elles presentent la même image que l’original, ce n’est point la besogne d’un écolier.