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LES MANGEURS DE CARIBOUS

tes dernières paroles. J’avais honte de moi-même. Comment ! le père a été si bon pour moi, et voilà qu’il va partir avec toute sa peine ! Je suis devenu comme un homme qui n’a plus d’esprit. Je n’avais plus de goût pour rien. Mes yeux se remplissaient d’eau. Quand je partais à la chasse, je pensais moins aux caribous qu’au chagrin que je t’avais fait, et je disais mon chapelet en rôdant dans les bois, pour demander à Dieu ce que je pourrais bien faire pour te faire oublier ma faute. J’étais ainsi pendant plusieurs jours, quand tout à coup il me vint à l’esprit que je ne pourrais rien faire de mieux que de me convertir et de céder enfin à toutes tes instances. Alors je partis, et me voilà. Je veux me confesser.

— Que le bon Dieu et la sainte Vierge soient loués, mon Michel : c’est bien la plus grande joie que tu pouvais me donner !

Le sorcier se confessa, avec des larmes abondantes — fait aussi rare chez les hommes que fréquent chez les femmes sauvages — ; et il ajouta :

— J’ai encore quelque chose à te demander. Tu connais ma conduite ; je ne mérite pas de recevoir le pain du bon Dieu ; mais je vais m’appliquer à bien vivre. Laisse un petit papier pour le père qui va te remplacer, afin qu’il me permette de communier à Pâques, si je persévère jusque-là.

— En effet, mon brave, tu ne mérites pas de communier ; mais tu en as besoin pour te soutenir ; et je veux avoir moi-même le bonheur de te donner le pain du bon Dieu, pour la première fois. Tu vois comme j’ai confiance en toi. J’espère que je ne le regretterai pas.

Le converti protesta encore de son repentir et de ses résolutions :

— Oui, Père, c’est fini. Toutes les fois qu’on emportera les lettres d’ici, l’homme de la prière, en t’écrivant, te redira toujours : « Michel vit bien. »

Le lendemain, communion fervente, longue action de grâces.

Sortant de la chapelle, il trouva son garçon de 15 ans, qui l’attendait dans la salle.

— Mon fils, lui dit-il, jusqu’ici je t’ai toujours donné le