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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/140

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haute, c’est-à-dire l’empreinte du génie français ; et, d’autre part, si on remonte, comme on le doit, à la source première d’où ces idées s’étaient répandues dans le monde, on verra que quelques-unes tout au moins, et non certes des moins fécondes et des moins belles, c’est de France qu’elles étaient parties. La tolérance, par exemple, que prêche Locke, on sait avec quelles fâcheuses restrictions, n’avait-elle pas été annoncée au monde, et cela en termes plus absolus et par conséquent plus nobles, par un Français du nom de Bayle, puisque celui-ci avait écrit son Commentaire philosophique en 1686, c’est-à-dire trois ans avant les fameuses Lettres du philosophe anglais ? Et, à coup sûr, Locke et Newton nous délivraient, le premier, par sa sage méthode, et le second, par ses découvertes mathématiques, de la métaphysique aventureuse et de la physique trop peu expérimentale de Descartes. Mais qui donc avait, bien avant Newton, si ce n’est Descartes, osé donner une explication mécanique du monde ? Et qui donc aussi, nouveauté plus grandiose encore et, à vrai dire, révolution morale d’une telle portée que la pensée moderne en a été comme émancipée et mise hors de page, qui donc avait appris à Locke à n’accepter pour vrai en philosophie que ce qui est tel pour la raison, et cette maxime cartésienne n’est-elle pas le fondement et l’âme même de la méthode de Locke comme de toute méthode vraiment philosophique ? C’est ce que reconnaissaient eux-mêmes, malgré leur engouement pour les idées anglaises, les auteurs de l’Encyclopédie et c’est même ce qu’ils proclamaient bien haut quand, au lieu de faire de la polémique, ils essayaient de comprendre l’histoire : « Il y a peut-être plus loin, disait d’Alembert, des formes substantielles aux tourbillons, que des tourbillons à la gravitation universelle. » Mais c’était dire encore trop peu, car il fallait ajouter : entre la scolastique qui prouve simplement, mais qui ne cherche pas la vérité, trouvée et formulée une fois pour toutes, et la raison de Descartes qui, réduite à elle-même, cherche la vérité, puis la proclame, quelle qu’elle soit, il y a un abîme ; au contraire, entre les tourbillons de