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Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/164

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cinquante ou de cent francs par an, les faibles ressources de plusieurs millions de familles, et de corriger, dans une faible mesure, l’injustice du sort par la justice des nouvelles lois fiscales.

Dans une commune rurale de la Suisse, de mille huit cents habitants, quatre-vingt-dix-huit personnes appartenant surtout à des familles nombreuses et ne payant pas d’impôts ont reçu, en 1903, 14.200 fr. de secours de toutes espèces[1].

En France ces familles n’auraient reçu que des secours insignifiants ; de plus elles auraient eu à payer des impôts, puisque tous les objets de consommation sont taxés. Elles prépareraient ainsi, vu l’insuffisance de leurs ressources, des recrues pour l’armée des mendiants, ou des pensionnaires pour les hôpitaux : tandis qu’en Suisse ces familles nombreuses, secourues à temps, sont mises en mesure de préparer d’excellents employés agricoles ou industriels : mendicité et misère d’un côté de la frontière ; aisance partout répandue de l’autre côté.

Lorsque la raison et la justice proclament qu’une réforme est nécessaire, il est prudent de ne pas atten-

  1. Dans cette commune, trois familles rurales du même hameau élèvent trente-et-un enfants qui forment à eux seul la moitié du contingent de l’école de ce hameau. Sans doute il convient de secourir le malheureux tombé dans la misère profonde et mis hors de combat dans la lutte pour la vie. Ne vaut-il pas mieux encore le soutenir pendant qu’il lutte et l’empêcher de succomber ? Peut-on citer un seul village, en France, où la caisse municipale distribue 14.200 fr. de secours à domicile à des familles nombreuses ? Je ne parle pas de l’affouage, qui va surtout aux familles plutôt aisées, ou même riches. C’est de l’autre côté de la frontière que l’on rencontre tout ce que l’industrie moderne offre de plus commode et de plus économique à une population sagement démocratique vivant sous l’empire de lois que ses mandataires préparent, et qu’elle sanctionne elle-même.