Page:Dufay - L’Impôt Progressif sur Le Capital et le Revenu, 1906.djvu/121

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On peut s’attendre à la résistance désespérée des milliardaires qui, par les discours, les brochures, les articles de journaux de leurs avocats, vont chercher à faire croire que tout est perdu si on ne continue pas à travailler uniquement pour eux. Ils iront jusqu’à prédire des malheurs, des catastrophes et peut-être même des tremblements de terre. Nous a-t-on assez bernés par tous ces fantômes de la peur ; allons-nous, pour la centième fois, nous laisser effrayer par les clameurs de ces exploiteurs aux abois ? Si nous savons ne pas nous diviser, cette loi passera, en France, comme elle a déjà passé chez toutes les nations qui nous entourent, plus prévoyantes que nous : en Angleterre, en Prusse, en Suède, en Autriche, en Italie, en Suisse, bientôt en Espagne et, sans doute, en Russie. La France sera-t-elle la dernière à faire droit aux éternelles revendications du travail ?

Il ne s’agit pas, comme on essaie de le faire croire, de détruire le droit de propriété ; il s’agit, au contraire, de le rendre accessible à tous, de laisser au travail son produit, au lieu de le faire dévorer par l’usure.

Le chiffre total de la richesse générale, qui s’élève en France, à 200 milliards, et dont les 9 dixièmes des habitants sont absolument privés ou n’en possèdent qu’une parcelle infinitésimale, prouve bien qu’une meilleure répartition de cette richesse peut être obtenue par une meilleure répartition des charges publiques. N’est-il pas aussi absurde qu’injuste de demander au strict nécessaire, au revenu indispensable, la même proportion d’impôts qu’à ces fortunes énormes dont nous pouvons à peine nous faire une idée, et qui mettent le sort de la nation entre les mains de ces nouveaux possesseurs de la souveraineté ? Et ce n’est même pas la même proportion ; c’est davantage, que l’on demande au nécessaire, comme le démontrent trop