Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/15

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Bovary, Sans compter que voilà bien du temps perdu pour l’admiration !

Afin de dresser son « échelle » Taine considère dans les ouvrages de l’esprit : 1° l’importance, 2° la bienfaisance du caractère.

Une œuvre d’art vaudrait d’autant plus que les caractères en sont plus généraux et permanents. Là encore Laforgue regimbe. Le chef-d’œuvre n’est pas nécessairement l’expression des « puissances souveraines de la nature ». Apparaissent-elles dans le Parthénon, Notre-Dame, les Halles centrales ? Dans les merveilles des arts chinois et japonais, dans les tapis persans, qu’y a-t-il d’universel ? « Les puissances souveraines de la nature nous ordonnent-elles de préférer un paysage stable du Poussin ou d’Aligny ou de Troyon à une impression qui a duré dix minutes dans le temps éternel par Claude Monet ? « Aussi bien n’y a-t-il point de « paysage stable » ; mais, le dessin en étant illusoire et les couleurs changeant d’instant en instant, une succession de paysages. Il n’y a même pas une aube, un crépuscule ; mais, dans l’aube et le crépuscule, un nombre incalculable de degrés, qui de la nuit nous acheminent au jour et du jour à la nuit. Le peintre est donc plus près de la vérité naturelle, qui se hâte à fixer sur sa toile l’une de ces phases lumineuses, si malaisément discernables. C’est bien plutôt en détachant de la durée un de ces moments, qu’on nous fera pressentir les lois permanentes. Si vous prenez une moyenne de ces effets successifs, le « paysage stable » étant de nécessité une synthèse, votre composition n’a qu’une généralité de