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X PRÉFACE.

S'il y a dans ce couplet de Prodicus de la pédanterie, dans ces définitions de mots quelque subtilité, dans ces antithèses trop d’affectation, ces distinctions ne laissent pas, pourtant, de nous plaire par leur précision et leur efficacité. L’ironie de Platon, quand il nous présente Prodicus, devient plus légère. A l’égard de Protagoras, elle n’était pas sans amertume ; elle ne fait qu’effleurer le sophiste de Céos. C’est qu’il y aurait eu injustice à méconnaître l’utilité de ses recherches sur le vocabulaire, sur la justesse des mots[1], dans le temps surtout où la prose attique se formait, où l'éloquence judiciaire et politique s’efforçait à devenir un genre littéraire. Il importait d’apprendre aux jeunes Athéniens, ambitieux, comme Hippocrate, de se faire écouter dans l’assemblée et d’acquérir par là un nom dans la cité, que, pour persuader, il convient avant tout d’être clair et précis ; qu’il faut se garder de toute ambiguïté ; que les mots ne sauraient être employés l’un pour l’autre selon le caprice de chacun ; que, dans une langue bien faite, il n’y a point de synonymes ; que les mots, qui font double emploi avec d’autres, tombent bien vite en désuétude ; que les termes, qui semblent s’équivaloir, signifient à qui les entend bien les nuances d’une sensation, les degrés d’un sentiment, les aspects d’une idée, les valeurs d’une action.

Dans les Penseurs de la Grèce, M. Th. Gomperz n’a pas manqué de montrer la nouveauté et l’intérêt de ce primitif essai de synonymique :

« Le premier, Prodicus a jugé bon de soumettre le trésor même de la langue à un examen scientifique. Que, par là, il ait plus ou moins contribué au perfectionnement du style, cela regarde la critique littéraire ; ce qui nous importe à nous, c’est que sa tentative dut avoir pour effet de perfectionner l’instrument de la

  1. 1. Le traité de Prodicus. auquel Platon fait allusion, avait pour titre περί όρθότητοζ όνομάτων.