Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/198

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tu es malheureux pour tout un monde, tu ne seras pas malheureux tout seul.

Bonnes Mesdames qui venez voir nos blessés et leur distribuer des livres d’images, des bonnets tricolores et des papillotes, n’oubliez pas Grégoire, qui est malheureux. Surtout, surtout, donnez-lui votre plus beau sourire.

Vous partez contentes de vous-mêmes parce que vous avez été généreuses envers Auger. Mais il n’y a pas de mérite à faire plaisir à Auger. Avec une seule de ses histoires, une seule de ses poignées de main, il vous donne beaucoup plus que vous ne lui donnez vous-même. Il vous donne la confiance ; il vous rend la tranquillité de l’âme.

Allez voir Grégoire qui ne sait donner que sa souffrance et qui a failli donner sa vie.

Si vous partez sans un sourire à Grégoire, craignez d’avoir méconnu votre tâche. Et n’exigez pas qu’il vous rende votre sourire ; car, quelle serait alors votre libéralité ?

Il est facile d’avoir de la pitié pour Auger, qui n’en a nul besoin. Il est difficile d’en avoir pour Grégoire, et pourtant, qu’il est pitoyable !

Ne l’oubliez pas, Auger est touché de la grâce.