Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

souffrance des hommes. Elle est la seule chose certaine à cet instant du siècle.

Je resterai donc à m’enivrer de cette sinistre évidence. Et chaque fois que Béal au ventre ouvert me tendra les mains avec un petit sourire barbu, chaque fois je me lèverai et j’irai lui serrer les mains, car il a la fièvre, et il sait bien que j’ai toujours les mains glacées.


V


Bride est mort. Nous avons travaillé toute la journée, et, le soir venu, nous avons trouvé le temps d’aller enterrer Bride.

Ce n’est pas une bien longue cérémonie. Le cimetière est proche. Nous sommes une douzaine à suivre le falot, à glisser dans la boue et à trébucher contre les tombes. Enfin voici le mur, et la longue fosse perpétuellement ouverte, que l’on prolonge chaque jour, à droite, et que l’on comble un peu, chaque jour, à gauche. Voici la file des croix blanches, avec, sur le mur, la fuite des ombres que leur fait la lanterne.

Les hommes disposent les planches, glissent les