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observations ; elles n’ont pas été poussées jusqu’à la construction de tables et d’éphémérides, en sorte que l’on ne saurait dire si cette doctrine suffit à sauver les phénomènes.

Entre ces deux systèmes astronomiques, la Scolastique chrétienne du xiiie siècle est en balance, poussée vers celui-là par la vive curiosité qui lui faic souhaiter une science naturelle conforme aux enseignements de l’expérience, entraînée vers celui-ci par son respect pour la Métaphysique du Philosophe. Parmi les maîtres de cette Scolastique, il en est pour lesquels la solution de ce dilemme est impliquée dans la réponse à cette question : Quelle valeur convient-il d’attribuer aux hypothèses de l’Astronomie ?

Frère Bernard de Verdun, en son Tractatus super totam Astrologiam[1], expose très complètement le débat entre les deux systèmes astronomiques ; après quoi il donne gain de cause au système de Plotémée. Pour lui, les hypothèses qui portent ce système sont véritables ; et leur vérité est démontrée par l’accord qui, depuis si longtemps, se maintient entre leurs conséquences et les mouvements observés. On les doit considérer comme des vérités de fait dont la certitude, immédiatement fournie par l’expérience sensible, échappe à toute démonstration parce qu’elle lui est antérieure et qu’elle la commande :

« Le premier procédé [la théorie d’Al Bitrogi], dit-il[2], est impossible ; il ne suffit pas à sauver les phénomènes précédemment énumérés, phénomènes que tout homme raisonnable est tenu d’admettre. Il reste donc que le second procédé, celui qui consiste à supposer un excentrique, un épicycle et des orbes multiples, … soit nécessaire. Par ce procédé, tous les inconvénients dont nous venons de parler sont évités, toutes les apparences énumérées au chapitre précédent sont sauvées ; en le prenant pour principe, on peut déterminer et prévoir tout ce qu’il est possi-

  1. Tractatus optimus super totam Astrologiam editus a Fratre Bernardo de Virduno professore de ordine fratrum minorum (Bibliothèque nationale, fonds latin, mss. n°7383 et n°7334).
  2. Bernard de Verdun, Op. cit., distinctio IIIa, capitulum 4um.