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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

Περὶ Οὐρανοῦ, Il lui faut établir pour cela que l’eau est terminée par une surface sphérique. Parmi les preuves qu’il donne de cette proposition, se trouve celle de Ptolémée et de Joannes de Sacro-Bosco ; le guetteur qui se trouve en haut du mât d’un navire voit la terre que n’aperçoivent pas ceux qui se trouvent sur le pont. Il donne aussi, comme le Περὶ Οὐρανοῦ, une démonstration mécanique sommaire tirée de la pesanteur et de la fluidité de l’eau.

Cette figure sphérique, concentrique au Monde, qu’affecte la surface de l’eau suggère à Bacon un corollaire dont la singularité paraît séduire son imagination[1]. Le rayon de la surface sphérique qui termine une masse d’eau augmente, et la courbure. de cette surface diminue si on éloigne cette surface du centre du Monde ; partant, un même vase, exactement rempli, contient d’autant moins de liquide qu’on le place en un lieu plus élevé. Les disciples de Bacon aimaient, nous l’avons vu, à lui emprunter cètte curieuse remarque[2].


V
ALBERT LE GRAND ET SES DISCIPLES


Tout ce qui, dans les écrits du Stagirite et de son Commentateur, prépare le retour à une théorie platonicienne de la gravité semble avoir excité, à un très haut degré, la méfiance d’Albert le Grand, de son disciple Thomas d’Aquin, et de Pierre d’Auvergne, qui fut l’élève et le continuateur de Saint Thomas. Les divers passages qui sollicitaient dans ce sens la raison du lecteur ont été, dans leurs commentaires, passés sous silence, atténués, ou même interprétés dans un esprit qui n’était point celui de l’auteur. Au contraire, les divers passages où la gravité est considérée comme une tendance du corps pesant à gagner le centre du Monde ont été mis en pleine lumière.

Dans son Traité du Ciel et du Monde, Albert le Grand expose avec soin les raisonnements à l’aide desquels Aristote tire, de la pesanteur, l’explication de la figure sphérique de la terre[3] et des mers[4].

  1. Roger Bacon, loc. cit., cap. XI ; éd. Jebb, pp. 97-98 (marqué cap. X) éd. Bridges, pp. 157-159.
  2. Voir : seconde partie, ch. VII, § IX ; t. III, p. 74.
  3. Alberti Magni Libri de Cælo et Mundo, lib. II, tract. III, cap. VIII.
  4. Alberti Magni Op. laud., lib. II, tract. II, cap. III.